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Mon inconnue de Hugo Gélin

Publié le 28/03/2019 par Grégory Cavinato / Catégorie: Critique

Scènes de ménage dans la Quatrième Dimension

Quand Raphaël (François Civil) et Olivia (Joséphine Japy) se rencontrent à 18 ans, c’est le coup de foudre immédiat. Inséparables et profondément amoureux, ils se soutiennent dans l’épanouissement de leurs passions respectives : l’écriture de romans de science-fiction pour lui, le piano classique pour elle. Ça c’est avant le générique... Dix ans plus tard, nous les retrouvons mariés mais nettement moins complices. Si Raphaël écrit des best-sellers et est invité sur tous les plateaux de télévision, Olivia a abandonné sa carrière de soliste et se contente d’enseigner la musique. Elle se sent de moins en moins soutenue par ce mari accaparé par le succès, devenu un beauf suffisant. Un soir, une dispute éclate, Olivia fait ses bagages et le couple se sépare. Le lendemain, par un phénomène inexpliqué, Raphaël se réveille seul, dans un monde parallèle où il n’a jamais rencontré Olivia. Dans cette nouvelle réalité, c’est elle qui est devenue célèbre, pas lui. Il n’est plus écrivain mais prof de littérature dans un lycée. Réalisant qu’il n’est rien sans sa belle, Raphaël va tout tenter pour la reconquérir, s’imaginant que cela suffira à tout remettre en ordre et à le renvoyer « chez lui » ! Seulement voilà, dans cette réalité alternative, Olivia n’a aucune idée de qui il est…

Pour son troisième film (après les comédies Comme des Frères et Demain tout commence), Hugo Gélin tente un genre à la mode : la comédie-concept à l’américaine, matinée de romantisme et de gags plus ou moins potaches. On commence à bien connaître ce schéma narratif : au lendemain d’un évènement dramatique, un homme se réveille et tout a changé autour de lui. C’est l’occasion pour lui de réparer ses erreurs et de rectifier le cours d’une existence gâchée. Si ce sous-genre est 100% américain dans l’âme et dans sa construction implacable, la France commence peu à peu à l’adopter. En 2006, Jean-Philippe, de Laurent Tuel, imaginait une dimension parallèle où Johnny Hallyday n’était qu’un parfait inconnu et les efforts de Fabrice Luchini, seul à se souvenir, pour aider son idole à (re)devenir star. En 2012, Noémie Lvovsky refaisait le Peggy Sue s’est Mariée de Coppola presque à l’identique avec Camille Redouble et son voyage dans le passé réparateur. Gélin lui, puise son inspiration dans une poignée de classiques US tels que La Vie est Belle, La Rose Pourpre du Caire ou encore les inévitables Retour vers le Futur et Un Jour Sans fin, paradoxes temporels et situations rocambolesques à l’appui.

Dès lors, tous les effets comiques de Mon Inconnue vont consister à placer Raphaël dans des situations familières qu’il ne reconnaît pas, que ce soit face à ses élèves (il croit être un romancier venu au lycée pour une séance de dédicaces) ou face à une conquête jalouse et possessive dont il n’a aucun souvenir. Le récit est parsemé d’idées astucieuses, même si elles restent souvent à deux doigts d’un mauvais goût plus ou moins assumé. On le constate avec ce fan obsessionnel harcelant Olivia, qui aide Raphaël à connaître les moindres faits et gestes de cette dernière. C’est également le rôle de la grand-mère d’Olivia (Edith Scob), atteinte de la maladie d’Alzheimer, qui ne comprend pas que cet homme qui lui pose tant de questions sur la vie privée de sa petite fille est un parfait inconnu. Les choses se corsent lorsque Raphaël prend enfin son courage à deux mains et approche la star, désormais en couple avec son imprésario. Accumulant les bévues, il improvise divers scénarios, prétextes pour ne pas la quitter d’une semelle, dans l’espoir de recréer l’étincelle amoureuse.

Le duo en tête d’affiche semble avoir été sélectionné principalement pour son côté un peu lisse, sa jeunesse et son énergie débordante. Même si son rôle ne consiste guère plus qu’à incarner la créature de rêve du héros, adorable comme il le faut, idéalisée à l’extrême avec son sourire éclatant et sa fraîcheur juvénile, il faut reconnaître que Joséphine Japy est irrésistible et qu’on lui donnerait le Bon Dieu sans confession… Quant à François Civil (très présent sur nos écrans en mars puisqu’on le retrouve également à l’affiche du Chant du Loup et de Celle que vous croyez), malgré ce physique de jeune couillon un peu niais et un peu insignifiant, il est là pour faire son show et s’en donne à cœur joie.

Cerise sur le gâteau, Mon Inconnue dissimule une arme secrète en la personne de Benjamin Lavernhe (de la Comédie française), remarqué récemment en marié susceptible dans Le Sens de la Fête. Avec sa mine de chien battu, son sens inné de l’improvisation et de la réplique qui tue, le comédien s’avère fréquemment hilarant dans le rôle du meilleur pote du héros, persuadé que toute cette aventure est un canular très élaboré. Lavernhe injecte de l’émotion et une sacrée dose d’autodérision à un rôle ingrat sur le papier. Il vole la vedette à ses partenaires à chacune de ses apparitions.

Certes, Mon Inconnue reste un produit grand public très formaté qui ne cherche pas à bousculer les codes de la comédie romantique à la guimauve, ni les conventions du théâtre de boulevard. Comme on s’y attend, tout finira pour le mieux dans le meilleur des mondes (parallèles), Raphaël apprendra de ses erreurs et deviendra au passage un homme meilleur. Classique, le film ne déroge à aucune formule. Mais le voyage, admirablement rythmé, vaut largement le détour puisque les ressorts de la comédie fonctionnent et que l’on rit beaucoup.

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