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Pauline grandeur nature de Nadège Benoit-Luthy

Publié le 10/06/2025 par Grégory Cavinato / Catégorie: Critique

L’amour est dans le parc 

Pauline (Deborah François), séparée de son mari, jongle entre ses deux enfants en bas âge et son travail de paysagiste, une profession qui la passionne, mais où elle doit sans cesse se démener pour s’imposer face à ses collègues masculins. Sa vie bascule lorsque sa mère, Suzanne (Jo Deseure), lui annonce qu’elle va concrétiser un rêve un peu fou : déménager en Provence. Quand Pauline, qui est de loin la plus brillante et ambitieuse de son équipe, obtient enfin la gestion d’un chantier important (la rénovation d’un parc public, qu’elle doit terminer dans des délais humainement impossibles à tenir), sa vie prend l’eau de tous les côtés et le burnout guette. Sans une minute de répit, Pauline saura-t-elle rebondir et s’affirmer dans un métier où elle doit redoubler d’efforts pour qu’on la remarque ?...

Pauline grandeur nature de Nadège Benoit-Luthy

Avec humour et légèreté, mais également une réelle profondeur dans son portrait de femme complexe, tout en nuances, loin des archétypes programmatiques des comédies actuelles, Nadège Benoit-Luthy capte avec un certain naturalisme poétique la beauté du quotidien de cette trentenaire ordinaire, toujours pressée, tiraillée entre les complications de sa vie personnelle (une mère en crise, une vie amoureuse au point mort, des enfants qui lui pompent le peu d’énergie qu’il lui reste) et professionnelle (la maladie du Capricorne asiatique qui atteint subitement le vieux cèdre qui est la pièce maîtresse de son parc), où elle a l’impression de toujours devoir repartir de zéro. De ce fait, le jour où arrive sa chance d’accomplir son rêve, Pauline vacille, avec un niveau de stress si élevé qu’elle est tentée de baisser les bras… 

Abordant des thématiques comme la place des femmes dans le monde du travail, les difficultés des relations mère–fille (entre petites frustrations et grande tendresse), le besoin d’émancipation, le courage de se réinventer, la notion d’entraide et l’incessante frénésie du monde moderne (Pauline n’a jamais le temps de souffler ou même de s’amuser), la réalisatrice nous livre une comédie douce-amère, drôle, mais jamais caricaturale. La modestie formelle de son film n’a d’égale que la subtilité de l’interprétation de l’irrésistible Deborah François, qui incarne Pauline avec justesse et un vrai tempérament comique, trouvant ici l’un de ses rôles les plus attachants, celui d’une femme combative, mais épuisée, qui cumule les erreurs… 

On pourra regretter que le rôle de Sophie Breyer ne soit pas davantage développé. Incarnant la voisine de Pauline, une post-adolescente qui passe ses nuits à faire la fête et ses journées à glander - dans une insouciance que Pauline lui envie un peu, mais ne peut absolument plus se permettre -, la jeune actrice se montre une nouvelle fois très prometteuse, mais son rôle nous a paru sacrifié au montage, comme s’il faisait double emploi avec celui de Suzanne, mère à la forte personnalité qui peut enfin profiter de la vie – ce que sa fille lui reproche à demi-mot. 

Et les hommes dans tout ça ? Heureusement, ceux de Pauline grandeur nature ne sont pas des caricatures, ses collègues la traitant de manière générale avec respect et amitié. Seul son patron (Jean-Henri Compère) lui parle avec condescendance, doutant de sa capacité à mener à bien un important chantier. Si, dans un premier temps, il évince Pauline, c’est surtout parce qu’elle n’a jamais réellement fait (ou eu la chance de faire) ses preuves et parce que le temps presse, pas parce qu’il la juge moins capable. Lors d’un dernier acte plus classique, néanmoins toujours gai et émouvant, la réalisatrice ne craint pas d’offrir à son héroïne un début de romance à l’ancienne, mais le fait avec cette subtilité, cet humour et cette pudeur qui imprègnent le reste du film. 

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