Trouver la force de partir, de claquer la porte pour ne plus supporter les claques. S’enfuir tant qu’il est encore temps, tant que les épaules sont encore solides, tant qu’il reste de l’espoir. L’espoir d’une vie meilleure, d’une vie libre, d’une vie de respect, sans peur. Partir. Mais comment prendre ses cliques et ses claques sans un rond en poche? Comment quitter une situation parfois financièrement confortable alors que les coups et les larmes lacèrent les corps chaque jour toujours plus fort. Cette histoire, c’est l’histoire de beaucoup de femmes. Des jeunes, des moins jeunes, des femmes d’ici, des femmes d’ailleurs qui subissent et se taisent au quotidien. Et, un jour, elles se retrouvent dans la rue. Sans défense. Sans rempart. Sans protection. Les jours se confondent, les nuits sans sommeil laissent des marques indélébiles.
Petit rempart d’Eve Duchemin

Formée à l’INSAS, Eve Duchemin s’empare du destin de ces femmes courage dans son dernier documentaire. Tout au long de sa filmographie, la réalisatrice n’a eu de cesse de mettre en lumière des êtres fragilisés par la vie, la jeunesse précarisée (Avant que les murs tombent, 2009), le monde carcéral (En bataille, portrait d’une directrice de prison, 2016), la petite délinquance (Sac de Noeuds, 2009). Dans Petit rempart, elle suit le parcours de Mariem, 53 ans, ancienne agente immobilière de luxe, qui quitte son mari violent, sa vie d’avant pour se retrouver pendant quelques mois au Samu social à Bruxelles.
Ce centre d’accueil d’urgence permet à des dizaines de femmes de trouver un refuge, un foyer, un petit rempart face à l’adversité. Même si la réalisatrice axe son récit autour de Mariem, on voit aussi toutes les autres, souvent en situation de plus grande précarité. On découvre alors un lieu rempli de règles où chaque place, chaque lit est compté. Couvre-feu, douches sans eau chaude parfois, règlements de comptes avec des hommes qui profitent des faiblesses. On découvre aussi un lieu de rencontres fortuites entre ces beaux oiseaux de passage qui n’oublient pas de s’aimer et de se reconstruire ensemble. Une histoire de solidarité et de respect malgré les histoires divergentes, les différentes cultures, les différents objectifs de vie.
Comment redevenir quelqu’un après être tombé au fond du trou? Comment reconstruire un corps cassé en mille morceaux? Comment retrouver sa place dans une société qui laisse de moins en moins de place aux animaux blessés? La réalisatrice s’immisce au plus près de ces fragilités avec une caméra qui se fond entre les pleurs, les confidences et les sourires échangés. Ces femmes ne sont plus seules, elles se soutiennent pour ne pas replonger, pour ne pas retrouver leurs bourreaux. Et, c’est au sein de ce petit rempart qu’elles trouvent la force de résister. Mariem ne lâchera rien, elle parviendra à soulever des montagnes pour redevenir une nouvelle femme, forte de ces rencontres. Qu’en est-il des autres? De celles d’hier, de celles d’aujourd’hui, de celles de demain qui n’auront pas ce regain de vie?