Philippe Vandendriessche, ingénieur du son, profite d'un message impersonnel qu'il reçoit de notre part pour nous proposer des images qu'il a du plateau de Séraphine, le film de Martin Provost, duquel il venait de rentrer. Nous réagissons plutôt mollement et à notre grande surprise, nous découvrons un homme passionné, ému de ce qu'il a vécu sur ce plateau et qui insiste pour partager son expérience. Enthousiastes, nous l'invitons et - oh délice! - Philippe Vandendriessche nous offre une après-midi de discussion, à la rencontre de son métier d'ingénieur son, naviguant entre technique et philosophie et nous émerveillant du travail réalisé pour la mise en boîte du film cousu main pour Yolande Moreau.
Philippe Vandendriessche, ingénieur son sur Séraphine de Martin Provost
Publié le 09/10/2008 par Dimitra Bouras, Antoine Lanckmans et Jean-Michel Vlaeminckx / Catégorie: Entrevue
Philippe Vandendriessche : "Nous avons construit ce film sur du silence, de la pureté, de la simplicité, de la sincérité. Les acteurs choisis étaient capables de faire ce qu’on leur demandait. C'est eux qui jouent du piano, qui chantent ou qui peignent quand leurs personnages jouent du piano, chantent ou peignent. Yolande (Moreau) a appris à peindre comme Séraphine Louis au point de pouvoir faire des faux Séraphine Louis à la perfection. Ulrich Tukur est musicien, jazzman, il fait du music hall. C’est un comédien, mais aussi un musicien qui a de multiples talents. Dans ce film, nous avons des personnes en chair et en os devant la caméra qui incarnent des personnages qui ont vraiment existé. Il y a une telle vérité et une telle sincérité qui en émanent, que le spectateur ne se trompe pas et les techniciens vibrent au moment où l'on tourne un film comme celui-là.
Le réalisateur, Martin Provost, est quelqu’un qui a un rapport humain et qui ne joue pas sur les rapports de pouvoirs. Une tendresse, une confiance se sont rapidement installées entre nous. Dans les étapes de préparation du film, je me suis dit qu’il faudrait que je lui parle de l’univers sonore, il faudrait que l’on discute et que l’on voit ensemble comment habiter la bande son de ce film, puisqu’on s’était dit qu’il serait dommage qu’il y ait de la musique.
Séraphine est au contact de la nature, elle est habitée par la voix des anges, elle a une voix solitaire aussi. En fait, elle a une vie solitaire quand elle crée et une vie publique quand elle travaille : elle rencontre des gens, nettoie le parquet, traverse la ville en portant du linge sur une brouette. Mais elle parle à peine. Pour camper son personnage, elle marque son pas, elle a une brouette qui grince, elle se manifeste bruyamment. Elle a des godillots avec un talon de fer que j’ai demandé qu’on installe et une brouette avec une roue qui grince, pour qu'on l'entende à la prise de son directe. Il n'y a quasiment pas de sons additionnels sur la bande son, tous les sons sont pris directement, comme le bruit des serrures et des loquets qui se ferment. Il se fait qu’il n’existe pratiquement pas de documents photographiques de la vraie Séraphine Louis qui vécut au début du XXème siècle, à l’exception d’une photo prise par la sœur de Wilhelm Uhde, le mécène collectionneur d’art et ils ont rejoué la scène ou Anne-Marie Uhde prend la photographie de Séraphine Louis dans son atelier. Celle-ci prend une pause en regardant vers le ciel, Anne-Marie lui dit de regarder l’objectif et elle lui dit "non, je regarde mes anges, c’est eux qui me parlent, c’est eux qui me font faire cette peinture, donc je les regarde quand on me prend en photo". C’est une scène très très belle.
Pour ce film, j’ai eu la chance de travailler avec des comédiens qui ont fait un vrai travail, qui sont sincères, authentiques et ce projet a réuni un ensemble de gens qui ont pu mettre leur vérité et leur authenticité dans le film et je pense que s'il est réussi, c’est grâce à cet esprit qui nous a tous habités. Cette volonté que nous avons tous eue de respecter la vie de ce personnage et de mettre toute la sincérité dans notre démarche artistique. Ne pas essayer de mettre en valeur une lumière, un son, un personnage principal, un rôle secondaire ou le décor... Non, tout a été fait pour tendre vers le même but. Le décor a été fait pour le son, pour l’image, pour que le comédien le vive de l’intérieur. Tout a été fait pour que le piano soit un vrai piano, la peinture, le tableau soit un vrai tableau, etc.
Ce film est une réelle concentration d’humanité."
Séraphine est au contact de la nature, elle est habitée par la voix des anges, elle a une voix solitaire aussi. En fait, elle a une vie solitaire quand elle crée et une vie publique quand elle travaille : elle rencontre des gens, nettoie le parquet, traverse la ville en portant du linge sur une brouette. Mais elle parle à peine. Pour camper son personnage, elle marque son pas, elle a une brouette qui grince, elle se manifeste bruyamment. Elle a des godillots avec un talon de fer que j’ai demandé qu’on installe et une brouette avec une roue qui grince, pour qu'on l'entende à la prise de son directe. Il n'y a quasiment pas de sons additionnels sur la bande son, tous les sons sont pris directement, comme le bruit des serrures et des loquets qui se ferment. Il se fait qu’il n’existe pratiquement pas de documents photographiques de la vraie Séraphine Louis qui vécut au début du XXème siècle, à l’exception d’une photo prise par la sœur de Wilhelm Uhde, le mécène collectionneur d’art et ils ont rejoué la scène ou Anne-Marie Uhde prend la photographie de Séraphine Louis dans son atelier. Celle-ci prend une pause en regardant vers le ciel, Anne-Marie lui dit de regarder l’objectif et elle lui dit "non, je regarde mes anges, c’est eux qui me parlent, c’est eux qui me font faire cette peinture, donc je les regarde quand on me prend en photo". C’est une scène très très belle.
Pour ce film, j’ai eu la chance de travailler avec des comédiens qui ont fait un vrai travail, qui sont sincères, authentiques et ce projet a réuni un ensemble de gens qui ont pu mettre leur vérité et leur authenticité dans le film et je pense que s'il est réussi, c’est grâce à cet esprit qui nous a tous habités. Cette volonté que nous avons tous eue de respecter la vie de ce personnage et de mettre toute la sincérité dans notre démarche artistique. Ne pas essayer de mettre en valeur une lumière, un son, un personnage principal, un rôle secondaire ou le décor... Non, tout a été fait pour tendre vers le même but. Le décor a été fait pour le son, pour l’image, pour que le comédien le vive de l’intérieur. Tout a été fait pour que le piano soit un vrai piano, la peinture, le tableau soit un vrai tableau, etc.
Ce film est une réelle concentration d’humanité."