Gagnant du grand prix du Festival international du film francophone de Tübingen/Stuttgart, le dernier projet de Julien Regnard est un film sur l’inconscient. Doté d’une esthétique irréprochable et d’une ambiance sonore captivante, ce court-métrage réalisé entièrement en noir et blanc est sans doute l’une des productions les plus réussies de l’édition 2022 du Festival Anima de Bruxelles.
Ronde de nuit de Julien Regnard
Publié le 24/02/2022 par Malko Douglas Tolley / Catégorie: Critique
Tout en plongeant le spectateur dans une ambiance rétro qui emprunte des éléments aux fifties, sixties, seventies et même eighties, les thèmes intemporels de l’infidélité et de la jalousie abordés dans ce court-métrage sont propices au questionnement et à l’exaltation.
L’ambiance, très immersive, et le rythme soutenu de l’animation, avec beaucoup de mouvements et de maîtrise de la première à la dernière seconde, provoquent des sensations sensorielles diverses auprès du public. L’interprétation du récit varie en fonction du vécu personnel de chaque personne : désirs cachés, craintes enfouies, angoisses profondes, fantasmes inavoués sont autant de formes que peuvent revêtir les réactions à cette fête libertine dans un grand manoir perdu au fond des bois.
Réalisé sur Blender en Open Source afin de pouvoir intégrer des éléments 2D et 3D grâce à des outils créés spécialement pour l’occasion, Ronde de nuit a bénéficié d’un énorme travail de préparation avec le choix d’un dessin ultra réaliste qui se repose sur de nombreuses photos ainsi que des visites de lieux afin de proposer une expérience immersive et authentique. Le pari est réussi. La magie opère instantanément.
La passion de Julien Regnard pour le cinéma transparaît dans ce projet. En puisant son inspiration dans La Cité des femmes de Federico Fellini, Eyes Wide Shut et Shining de Stanley Kubrick, Lost Highway de David Lynch, La Nuit de Michelangelo Antonioni ainsi que L’Année dernière à Marienbad, Ronde de nuit est un vibrant hommage au cinéma onirique dont la frontière entre réalité et illusion est difficilement perceptible.
La bande son inspirée d’Under The Skin ainsi que la musique techno collent parfaitement à l’action et valident le choix de se passer de tout dialogue. Chaque élément du film a été choisi avec minutie pour questionner sur les notions de péchés et de rédemption dans ce purgatoire revisité.
Avec cette réalisation sulfureuse, envoûtante et brutale, le « story boarder » de The Breadwinner (film d’ouverture d’Anima 2018), diplômé de la Cambre et expatrié pendant 5 ans en Irlande dans les studios de Cartoon Saloon, revient en force en Belgique.
Programmé dans la sélection de courts-métrages C’est du Belge 1 du Festival Anima 2022, ce projet personnel de Julien Regnard, réalisé avec Square Fish en coproduction avec Autour de Minuit, fait écho à la paranoïa et à l’insécurité qui résident au plus profond des êtres lorsque l’on aborde des sujets aussi sulfureux que l’amour, le mensonge, la trahison, la luxure, le libertinage, la colère, etc.
