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Sagamore Stévenin dans Cages

Publié le 01/02/2006 par Anne Feuillère et Jean-Michel Vlaeminckx / Catégorie: Entrevue

Rouler dans la noirceur

Vêtu de noir, avec un masque de loup, les yeux maquillés au charbon, l'acteur français, Sagamore Stévenin répète sa scène sur le plateau de Cages, le premier long métrage du belge Olivier Masset-Depasse (voir l'entrevue dans notre webzine 100). Dans cette histoire d'amour passionnelle, son amante (Anne Coesens) le séquestre pour lui prouver son amour. L'acteur, d'habitude confiné à des rôles de beau gosse séduisant et séducteur, trouve ici l'espace pour exprimer une facette plus sombre de sa personnalité.

Sagamore Stévenin dans Cages

 Cinergie : Comment avez-vous rencontré Olivier Masset-Depasse ?
Sagamore Stévenin : Et bien, de la manière la plus simple possible. Il a envoyé un scénario à mon agent qui me l'a répercuté avec les DVD de ses courts métrages, ce que j'ai trouvé très professionnel. Je travaillais beaucoup à ce moment-là, mais j'ai eu le temps, dans la matinée, de voir les courts métrages. J'ai tout de suite vu que c'était un vrai réalisateur, qu'il avait un univers, un regard. Je suis parti à mes rendez-vous jusque tard le soir. Toute la journée, j'avais en tête les images que j'avais vues le matin. En rentrant à deux heures et demi chez moi, je me suis dit que j'allais lire dix pages du scénario pour voir. Quand je l'ai refermé, il était cinq heures et demi. J'avais pris une grande claque. J'ai tout de suite envoyé un mail à Olivier pour qu'on se rencontre. Quand on s'est rencontré, c'était comme si on se connaissait depuis cinq ans. Ce qui était assez troublant d'ailleurs. Je lui ai dit qu'il ne fallait pas aller trop vite parce que si je faisais des essais et qu'il trouvait ça nul, j'allais être très triste… Voilà comment on s'est rencontré.


C. : Qu'est-ce qui t'a intéressé dans le scénario ? Le personnage qui vit un moment difficile de son histoire d'amour ? Le fait qu'il soit séquestré ?

S. S. : Au départ, quand je lis un scénario, la lumière s'éteint, l'écran s'allume et je vois un film qui passe. Je ne m'arrête pas sur le personnage. Est-ce que le film m'intéresse ou pas, en tant que spectateur, c'est la première question que je me pose. Suite à ça, je relis le scénario en m'arrêtant sur le personnage. Mais qu'il s'agisse d'un mec gentil , d'un salopard ou d'un dictateur, ce qui m'importe, c'est l'humanité qui est décrite. Et j'ai été extrêmement touché par l'humanité du film. Je l'imaginais avec ce que j'avais vu de ses courts, ce cinéma sensoriel. Ça m'a allumé la tête! Je ne me considère pas du tout comme un acteur, donc j'ai besoin d'aller travailler avec des gens qui vont m'emmener plus loin. Et puis, on a eu une rencontre tellement forte…Je trouvais enfin une espèce d'alter ego, quelqu'un à qui je puisse dire ce que je ressens, même par rapport à des choses qui ne touchent pas forcément à mon personnage. Olivier a déjà un alter ego féminin, sa femme, Anne (Coesens) et là, il le trouvait chez un homme. Cela forme une espèce de triple alliance intéressante.

C. : Et comment as-tu senti et travaillé ton personnage avec Olivier ?

S. S. : Au départ, on a voulu s'intéresser à toutes les différences entre le personnage et moi. Je sentais qu'Olivier avait besoin, en tant que réalisateur, de chercher autre chose, une autre fragilité, quelque chose de plus rentré que mon côté assez exubérant, mon image. Et puis c'est drôle parce que finalement, tout ce qu'on avait cherché à gommer était en fait ce qui intéressait Olivier quand il m'a rencontré et qu'il a eu le sentiment d'avoir son personnage sous les yeux. C'est ce qui m'intéressait chez lui d'ailleurs, ce qu'il avait perçu de moi au départ et que j'avais rarement pu exprimer dans les films. Avec Olivier, nous voulions casser un peu mon aspect bonne tronche. Je n'avais pas pu le faire avant, comme dans Michel Vaillant bloqué par cette image de héros romantique, ce mec rasé de près que tout le monde a envie d'avoir comme beau-fils. Cette image de Vaillant était dure pour moi parce que c'est tout ce que je ne suis pas. Je suis assez marinier et les mariniers ont une belle expression dont je me sens proche : ils parlent de "rouler dans la noirceur". J'avais, en rencontrant Olivier, la sensation de pouvoir travailler ça.

C. : Ce masque que tu portes ne te pose pas trop de problèmes ?

S. S. : Non… pendant trois semaines, j'étais attaché à une chaise roulante ! (rires) Je suis plutôt un acteur énergique, j'ai besoin de bouger, de parler, d'improviser. Attaché à une chaise roulante et bâillonné, tu oublies tout ça, c'est difficile et intéressant ! Je suis sans filet, lâché, je ne vais pas voir les rushes, je fais confiance à un seul mec, qui a aussi la charge de cette confiance. C'est mon école avec ce réalisateur. Comme je le disais à Olivier, j'ai pu être beaucoup plus chiant sur des plateaux. Là, si je sens que ça ne correspond pas à l'idée du film tel je le conçois, je lui dis "D'accord, j'essaie de faire ce que tu veux… Mais, on aura peut être à se parler à l'arrivée".
Les gens l'oublient mais c'est un peu la beauté du diable, ce métier ! Tu donnes ton image, ta tronche, tu fais don de ton âme. C'est un métier beaucoup plus difficile qu'on ne l'imagine. Beaucoup plus solitaire aussi.

 

 

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