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Sur le tournage de Totem

Publié le 01/11/2019 par David Hainaut et Constance Pasquier / Catégorie: Tournage

La loi de la forêt

 

Fin septembre, c'est un tournage pour le moins atypique qui s'est bouclé dans une forêt de Braine-le-Comte, puisque Totem, titre du premier long-métrage de Fred de Loof – jusqu'ici connu comme réalisateur de courts-métrages loufoques -, a la particularité de mêler scoutisme et science-fiction.

 

Un projet mis en boîte en à peine treize jours, via l'appel à films à conditions de productions légères de la Fédération Wallonie-Bruxelles, faisant donc suite aux premiers tournages de ce nouveau Fonds, à savoir Fils de Plouc (Harpo & Lénni Gruit), Losers Revolutions (Thomas Ancora et Grégory Beghin) et d'Une vie démente (Raphaël Balboni et Ann Sirot).

Automne 2019. À une cinquantaine de kilomètres de Bruxelles, c'est dans une forêt, lieu central du film, que l'équipe de Fred De Loof nous a donné rendez-vous. Bien que forcément happés par leur tâche, à peu près tous les comédiens et techniciens nous repèrent d'emblée, tantôt le regard curieux, tantôt l'air ravi. Comme toujours, pour nous l'objectif est de rapidement nous faire oublier, histoire de laisser tout ce beau monde travailler - le temps reste précieux sur un tournage -, observer les différentes scènes (l'une d'entre-elles fait partager aux comédiens du cassoulet à la bière) et plus tard, profiter de l'une ou l'autre pause pour nous entretenir avec quelques protagonistes du jour.

 

Premier long-métrage pour Fred De Loof

Tournage en quelque sorte "novateur", puisque conçu en moins de quinze jours via le nouveau Fonds d'aides à conditions légères lancé par le Centre du Cinéma, Totem constitue donc le premier long-métrage de Fred De Loof. Nom un peu connu dans le petit milieu audiovisuel belge francophone, d'une part comme réalisateur de courts-métrages humoristiques (aux titres évocateurs, tels Aaaah, Caca Boudin, Les Pigeons ça chie partout ou The Glorious Peanut), d'autre part comme réalisateur de publicités, il aura par ailleurs bientôt sa première série en mains, puisque son univers singulier lui a permis d'être sollicité pour réaliser en 2020 Baraki, un projet en cours d'écriture de 20 X 26 minutes, à destination de la RTBF.

 

Retour vers le passé

Ayant repéré notre caméra et visiblement enchanté, tel un adolescent, à l'idée d'être filmé le visage enduit de (faux) besoins, De Loof, également acteur principal pour l'occasion, sera le premier à nous répondre, détaillant son pitch : "On raconte en fait l'histoire de Buffle, un ancien scout hanté la nuit par des rats géants qui n'a toujours pas fait le deuil d'un ami – un autre scout - disparu il y a vingt ans, répondant justement au nom de Rat Géant. C'est une psychologue qui lui conseille de reformer sa bande, en organisant un camp. Et donc, de se replonger dans son adolescence". Lui-même ex-scout, De Loof, tout en soulignant l'approche riche (NDLR: et économique...) de sa double-casquette, explique encore : "Le scoutisme est ici plus un décor qu'une thématique en soi, car le film traitera notamment du harcèlement. L'idée de réunir de jeunes quadragénaires en tenue de scout qui se remémorent leur enfance, c'était un décalage qui me plaisait. Cette forêt nous permet en tout cas une diversité de décors et de lumières qui, à l'image, devrait être intéressante". Un film qui, on l'aura compris, mélangera les genres, entre drame, humour et même science-fiction, quelques voyages dans le passé figurant au programme.

 

L'humoriste Pablo Andres de la partie

Autour de Buffle (De Loof, donc), les personnages répondent aux surnoms de Castor (Xavier Seron), Marmotte (François Neycken, également co-auteur), Fourmi (Quentin Marteau) et Okapi, interprété par un trublion de la scène de la RTBF, Pablo Andres, ravi d'élargir encore un peu plus son registre. "Je joue quelqu'un d'hésitant comme on en connaît tous, qui est dans la réflexion plus que dans l'action, et qui fuit ses choix par peur de bien faire. Il est donc à l'ouest, un peu comme moi parfois..." Remarqué l'an dernier dans la série Champion, celui-ci admet : "Je continue d'apprendre. Mais j'ai accepté tout de suite, car Fred est quelqu'un de talentueux, avec une approche bien à lui. De loin, on dirait qu'on est dans une histoire pipi-caca, enfantine, absurde, et c'est sans doute un peu le cas (sourire). Mais derrière, il y a une histoire bien écrite, bien réfléchie et bien faite. À l'image du réalisateur, en fait. Car il faut quand même admettre que quand on le voit, on se demande un peu qui est ce gars (sourire). Alors qu'en réalité, on a quelqu'un qui sait très bien où il va et ce qu'il fait". Issu du petit monde de l'humour belge à l'instar de ses ami Kody et Alex Vizorek, eux aussi concernés par des projets de films, Andres témoigne de l'évolution de son secteur. "Même si ce n'est peut-être qu'un début, on sent chez nous une émulsion, qu'on commence à être considérés, sans devoir nous exporter. En ce qui concerne le cinéma, c'est bien d'imaginer ce genre de comédies, car les gens en ont besoin. Quant à moi, même si je rêve un jour d'écrire, j'ai surtout envie de continuer à respecter les étapes".

 

"On a une liberté incroyable" (François Neycken, acteur et co-auteur)

Quelques mètres plus loin, nous apercevons François Neycken, campant lui "une sorte d'obsédé sexuel, qui ne pense qu'à draguer et à bouffer", qui a donc épaulé De Loof à l'écriture. Fatigué et se plaignant du froid, celui-ci se dit excité de mettre en image ce que le tandem a écrit pendant presque deux ans. "Jusqu'à la veille du tournage, on peaufinait encore les textes !", sourit-il. "Mais je pense que le film sera drôle. Même si on a toujours voulu cet esprit pipi-caca, on voulait qu'il y ait un sens à tout ça, que ça ne soit pas gratuit. Donc, si les gens voient autre chose derrière le rire, tant mieux. On sent en tout cas toute l'équipe ultra-motivée et à fond dans le projet, ce qui fait plaisir à voir. On n'a peut-être pas un budget énorme mais les moyens humains sont là et surtout, la production nous a laissé une liberté incroyable, en ayant cru à nos petites bêtises." Comédien rôdé (La Trêve, Ennemi Public, Unité 42...), Neycken fait partie des principaux rôles d'Albatros, une série flamande bientôt diffusée sur la VRT. "La Flandre reste un modèle dans la diversité des genres, mais il me semble qu'on embraye, côté francophone. J'espère que ça continuera."

 

L'énergie de l'instant

Si bien sûr, il faudra encore un peu de temps, et plusieurs résultats à l'écran, pour pouvoir réellement mesurer l'impact de ces nouveaux films réalisés dans le cadre de ce nouveau Fonds issus du Centre du Cinéma, une chose est sûre, cette nouvelle possibilité de réaliser semble, à l'étape de la conception, convaincre tous les signataires des premiers films croisés jusqu'ici. "C'est bien simple, sans ce nouveau mode de fabrication, je n'aurais jamais fait ce projet", ajoute De Loof. "Pourquoi ? Parce que les contraintes financières et de temps sont au final presque des atouts. C'est une manière de faire qui permet de réaliser un film dans l'énergie de l'instant, avec ce luxe incroyable d'avoir une autonomie artistique totale. Et puis, ça élargit la richesse de notre patrimoine. Donc, pour un premier long-métrage, c'est super. C'est tellement gai de pouvoir réaliser".

Produit par les Bruxellois de 1080 Films, une structure cogérée par Nabil Ben Yadir et Benoît Roland, le film, par ailleurs mis en image par Philippe Therasse (Ennemi Public), est également – et entre autres - interprété par Céline Peret et Cécile Delberghe. Il est prévu sur les écrans au début de l'année 2020, déjà.

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