Washington, Bruxelles-Kinshasa de Fabian Hannaert
Ce film réalisé avec des bouts de ficelle raconte l'histoire de Washington, Congolais exilé à Bruxelles depuis de longues années. Son seul but : faire venir en Belgique sa femme Mado, qui est restée à Kinshasa pour on ne sait quelle raison. « C'est Washington qui m'a demandé de faire un film pour sa femme, qu'il n'avait pas vu depuis huit ans. Il voulait filmer sa vie pour la lui montrer ». En bon copain, Fabien Hannaert a donc pris sa caméra et filmé Washington dans sa vie de tous les jours : au café, au repassage, à la fenêtre, toujours dans l'attente d'une lettre ou d'un coup de téléphone de cette femme qu'il aime par-dessus tout mais qu'il n'a plus vue depuis des lustres. Pourquoi ? On ne saura jamais les raisons de la rupture. Sans doute une histoire de papiers. En filigrane de cette triste histoire humaine se dessine ainsi une critique amère de la politique administrative qui empêche des milliers (millions ?) de personnes de vivre décemment leur amour, faute d'un visa en ordre, d'argent, de « bonne » couleur de peau. Washington ne vit que dans l'espoir d'un jour revoir sa belle. Il a confiance. Il s'applique à y croire. Là-bas, à Kinshasa, Mado continue de vivre tant bien que mal, seule malgré le soutien moral de sa famille. Elle parle de leur rencontre, quand Washington, au premier coup d'oeil (un coup de foudre, appelle-t-on ça), décida que cette fille serait sa femme. Depuis, ils ne se sont jamais quittés. Du moins dans leur coeur. « C'est rare à Kinshasa qu'une femme reste ainsi fidèle à son homme pendant 12 ans », raconte une amie de Mado. Comme le dit cette dernière : « Ma maison, c'est là où est mon mari ». Un amour aussi fort, qui dépasse les frontières, est en effet plutôt rare. « Loin des yeux, loin du coeur », dit le proverbe. Dans le cas de Mado et Washington, c'est tout le contraire. Mais chacun de leur côté, ils n'en sont pas moins désespérément seuls. Minés par l'absence de l'autre. Mais pas résignés. Si Fabian Hannaert a filmé (séparément) le couple dans des conditions plutôt artisanales, il est parvenu, sans ficelles ici, à traduire les sentiments qu'éprouvent Washington et Mado l'un pour l'autre, même séparés par des milliers de kilomètres. Parfois, le film prend des allures de reportage télé, voire de film de famille, mais de cette proximité jamais impudique jaillit justement l'émotion. Sans doute qu'avec plus de moyens, le jeune cinéaste n'aurait pas aussi bien capté l'essence même de l'amour de ces deux êtres - un amour profondément intime, indestructible, qui n'a pas besoin de gros moyens pour resplendir à l'écran.