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Astro de Nicky L. Lapierre

Publié le 04/11/2022 par Fred Arends / Catégorie: Critique

Ce premier long-métrage étonnant présenté au Pink Screens Film Festival est à la fois un docu-fiction sur la rupture amoureuse et un autoportrait sans complaisance du cinéaste. Proposant une forme expérimentale brute et électrique, Nicky L. Lapierre signe un film inclassable.

Astro de Nicky L. Lapierre

Suite à une rupture à la fois amoureuse et amicale, le cinéaste part en voyage pour prendre du recul et commencer ce film, afin de laisser une trace, et pour ne pas oublier. Des sauts temporels nous replongent dans cette relation, réminiscences de moments perdus, de promesses non tenues, mais aussi instants de grande sensualité où se mêlent douceur et une certaine joie. Bobbie et Charlie se caressent, s'aiment, s'engueulent. Ces flashbacks comme reconstruction d'un réel fantasmé, effacent la frontière entre documentaire et fiction. Astro est d'ailleurs souvent un labyrinthe mental dont on se sent parfois exclu. Très présente, la voix-off dit les angoisses et les doutes, les douleurs et les désarrois, la difficulté de se comprendre malgré le désir. Cette voix-off rythme l'ensemble du film, parfois chuchotée, murmurée, presque inaudible, et soudain connaît des accélérations qui donnent le vertige. Elle retrace aussi le parcours existentiel du réalisateur, « pouvoir faire la paix avec l'adolescent qu'on a pas pu être » dit-iel à un certain moment. Faire la paix avec un passé difficile, avec son identité et peut-être aller vers une métamorphose, une possibilité de se vivre pleinement malgré les douleurs vécues.

Visuellement, le cinéaste creuse une forme poétique où le montage associe couleurs et mouvements et s'avère réussi dans sa capacité à confronter différentes textures d'image. Parfois chaotique et brutal, le montage grésille souvent comme une ampoule électrique, les splits-screens accentuent cette sensation de trouble, les raccords claquent et les couleurs saturent. Le film parfois s'emballe dans des accès de rage et de colère dans un maelström d'images agressif. En contrepoint, la musique constituée de nappes électroniques lancinantes et hypnotiques, instaure une certaine douceur et nimbe le film d'un aura étrange rehaussé par des éclairages tirant souvent vers un rouge-rose foncé.

Réflexion mélancolique et identitaire sur l'état amoureux et sur la quête de soi, Astro éblouit souvent par sa véracité et malgré certains aspects déroutants et peu accessibles, transmet une énergie et inspire une réflexion sur l'amour et la difficulté de l'absence de l'autre.

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