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Dans les décombres d’Olivier Meys

Publié le 03/04/2008 par Philippe Simon / Catégorie: Critique
Dans les décombres d’Olivier Meys

Démolition libérale
La Chine, deux ans avant les Jeux Olympiques de 2008. Au centre de Pékin, pas loin de la place Tiananmen, derrière d’imposants panneaux à la gloire du progrès chinois, un immense chantier de démolition. C’est le vieux quartier ouvrier de Qianmen qui fait peau neuve. Ici, sous prétexte d’assainissement et de lutte contre la misère, on rachète, pour une bouchée de riz, tout un quartier populaire pour mieux le démolir et proposer à la place cette nouvelle image d’un Pékin propre sur soi, tout auréolé d’un modernisme labellisé nouveau millénaire. Vitrine politique conçue dans l’urgence, ce projet ne va pas sans mal d’autant que pour mener à bien ce relookage urbain, il faut mettre à la rue plus de quatre cents personnes qui habitent toujours ces maisons et qui, pour la plupart, ne sont pas prêtes à les quitter. 

Dans les décombres, le film documentaire d’Olivier Meys est né aux côtés de ces gens qui refusent de partir, qui disent non aux expropriations et mettent en cause un pouvoir qui se joue des hommes et de leurs vies, les traitant comme autant d’éléments parasitaires dans sa grande marche en avant.

Sans un mot de commentaire, plongeant directement dans leur réalité quotidienne, Olivier Meys va au devant de ces hommes et de ces femmes réduits à vivre dans les décombres de leurs foyers. En de longues séquences particulièrement maîtrisées, il nous fait partager leur  précarité et cette colère hébétée qui trouve difficilement ses mots face à l’inhumaine indifférence de ceux qui manient pelles mécaniques et autres rouleaux compresseurs. Sensible à ce qui disparaît autant qu’à ce qui transparaît, Olivier Meys évite toute sensiblerie, privilégiant sans cesse ce qui de l’anecdotique ouvre à l’empathie et à la complicité. Gardant une distance narrative qui donne à son regard toute sa pertinence, sa caméra saisit chaque étape de cette implacable mécanique de destruction, nous faisant pénétrer cette logique de mort et nous laissant deviner, dans l’ombre, cette puissance totalitaire, hors champ terrible qui ne laisse pas indifférent.
La part de non-dit qui organise et fait l’enjeu de Dans les décombres dépasse de loin la mise en cause d’un gouvernement particulier. Elle touche à cette universalité d’un devenir planétaire. En cela, Olivier Meys réussit un film rigoureux et sans concession qui a non seulement le mérite de nous toucher mais nous rappelle que ce qui se passe en Chine est aussi une partie de nous.

Production : Iota production et Athenaïse, avec l’aide du Centre du Cinéma et de l’Audiovisuel et les Télédistributeurs wallons.

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