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Entrevue Lieven Debrouwer pour Confituur

Publié le 01/07/2005 par Jean-Michel Vlaeminckx / Catégorie: Entrevue

Tuur est mal dans sa peau. Sa sœur, handicapée et autoritaire plombe une vie d’artisan consciencieux (il est ressemeleur et fabrique des doubles de clés) mais monotone. Les années ont passé et le seul plaisir que s’octroie Tuur est désormais de manger subrepticement, la nuit, de la confiture en cachette d’Emma, sa femme et de Gerda, sa sœur alitée. L’horizon lui semble bouché au point que lors de la célébration de ses noces il s’éclipse subrepticement et va rejoindre Josée, sa seconde sœur qui officiant dans un cabaret est devenue le canard boiteux de la famille. Le problème de Tuur est que s’il provoque une sorte de cataclysme chez lui, il n’en sera peut-être pas le bénéficiaire. Si Gerda et Emma se supportent à peine et lui rendent la vie pénible, les strass et paillettes du cabaret de Josée, sa sœur qui vit en marge de la société, l’ennuient tout autant que le travail de son magasin. Ce n’est pas le démon de midi qui tracasse Tuur mais plutôt une incapacité à communiquer avec son entourage immédiat. Un manque affectif qui se traduit par un désir glouton pour la confiture que prépare sa femme.

Lieven Debrauwer, le réalisateur de Pauline et Paulette (voir webzine n°52), nous montre, sans trop y insister que la communication soit le problème majeur du trio Gerda-Emma-Tuur. Au sommet de la pyramide, Gerda, autoritaire raide comme la justice, règle telle une horloge le tempo quotidien, Emma fait le relais (et la cuisine) à Tuur qui ne prononce jamais le moindre mot. Entre deux conformismes, Tuur va devoir choisir le moindre mal, c’est-à-dire entre le monde frelaté de Josée et la confiture de sa femme qui, entre-temps s’est libérée de l’emprise de sa belle-sœur et de son mari pour devenir une productrice de confitures « faites maison » qui remporte un franc succès dans tout le quartier.

Lieven Debrauwer qui adore les contrastes (cf. Pauline et Paulettes) nous montre le décor gris et sans vie du magasin de Tuur et celui kitsch et surchargé de rouge et de dorures du cabaret de Josette. Mais surtout Lieven Debrauwer adore montrer les gestes imperceptibles qui trahissent les émotions de ses personnages. En cela il est servi par une pléiade d’acteurs remarquables : Marilou Mermans, Viviane De Muynck, Chris Lomme et Rik Van Uffelen qui nous joue le sexagénaire bourru et mutique de façon sensible. Le film a connu un grand succès en Flandre et est sorti subrepticement en salles en Communauté française. L’occasion pour le public francophone de se rattraper. Car si l’intrigue du film aurait pu se passer à n’importe quel âge de la vie, son cadre peut être aussi bien la Wallonie, la Flandre ou n’importe quel pays européen.

Lorsque nous avons rencontré Lieven Debrauwer (voir interview filmée), celui-ci nous a expliqué que l’intérêt d’utiliser des acteurs expérimentés est de pouvoir s’appuyer non seulement sur leur expérience de comédiens mais aussi sur leur vécu. On lui demande –il en a un peu marre – pourquoi ses récits se passent toujours depuis Léonie, son premier court métrage, chez les seniors ? Tout simplement parce qu’ils ont une profondeur dans leurs gestes, leur interprétation que peu de jeunes acteurs possèdent en début de carrière. Lorsque nous lui faisons remarquer que la grande gagnante du séisme provoqué par Tuur est Emma, sa femme, qui se prend en charge au lieu de s’enfermer dans le malheur. Il abonde dans notre sens. Emma a su triompher de l’épreuve que Tuur lui a infligée (voir notre interview filmée). Par ailleurs Lieven donne de nombreuses conférences où images à l’appui, il explique pourquoi certaines séquences ont été retenues plutôt que d’autres, montre le travail préparatoire et projette un making off. Toutes choses que vous trouvez dans l’édition néerlandaise mais pas dans l’édition française.

 

Confituur de Lieven Debrouwer, un DVD Cinéart, diffusé par Twin Pics.

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