Sirot-Balboni n’est pas un élixir miracle du XIXème siècle vendu sur la place publique par un bonimenteur emmoustaché, mais un couple de cinéastes qui, depuis plusieurs courts métrages, nous jettent dans un univers tissé de rêves, de contes et de dystopies. Derrière leur monde ni tout à fait le même, ni tout à fait un autre, émerge toujours une part d’inconscient, une façon de coller autrement à la réalité. Avec Fable domestique, le dernier-né présenté à la soirée de la Fédération Wallonie-Bruxelles au FIFF de Namur, Ann (Sirot) et Raphaël (Balboni) n’ont pas dérogé à leur règles du jeu : sourire et étonner.
La carte du tendre, Fable domestique
De la musique avant toute chose. Les variations obsédantes sur l’air de A vous dirai-je maman, comptine populaire souvent attribuée à tort à Mozart, scandent à la fois l’action et la narration au lieu de l’illustrer. Ce petit thème enfantin un peu simplet, repris de façon lancinante, tresse déjà un réseau d’images inconscientes qui invoque le jeu et l’imaginaire érotique. La somptuosité des décors (le château de Tihange) et les costumes abracadabrants inspirés d'un XIXe siècle revisité, participent pleinement au fantasme. Grâce aux notes répétées et aux étoffes sardanapalesques s’ouvre un univers étrange où les portes dérobées cachent des escaliers en colimaçon qui mènent à d’autres, à l’infini.
C’est dans ce méandre inexplicable qu’Adrien (Laurent Capelluto), en quête d’un nouveau nid pour sa femme Tess et lui, se retrouve propulsé. Sa recherche d’appartement mue par la ferme volonté de sauver un couple que sa jalousie et sa morosité éreintent, se transforme en rite initiatique lui dévoilant une autre face du monde. Adrien devra donc accepter la joute proposée par les domestiques et les invités et adopter de nouvelles règles, un autre costume et un autre langage pour reconquérir sa belle (la pétillante Sandrine Blancke). Car cette joute-ci, loin de consister à battre l’adversaire consiste au contraire à le séduire. Adrien devient alors, l’espace d’un temps qui ne peut plus être compté, le conteur de charme dans un jeu de cache-cache de plus en plus ubuesque.
Avec ce vaudeville surréaliste et léger, Ann Sirot et Raphaël Balboni cherchent un peu à perdre le spectateur pour le fasciner. Pour cela, ils usent d’un artifice imparable : la profusion et le faste, profusion de détails dans les dialogues, dans les décors, dans les personnages et les sous-intrigues. Du coup, ces outrances rompent parfois le charme et dévoilent des artifices qui transforment le film en seul prétexte ludique et esthétique. A moins qu’au bout du compte, Fable domestique ne veuille nous rappeler, d’une jolie façon, que seul l’extraordinaire élargit l’esprit, que seul l’exceptionnel rend la vie supportable.
- Brussels Short Film Festival - 2012 - Belgique - Bruxelles - Prix du public
- Le court en dit long 2012 - France - Paris - Prix du public
- FIFF (Fest. Int. du film Francophone) - 2012 - Belgique - Namur
- FIFI (Fest. Int. du film Indépendant) - 2012 - Belgique – Bruxelles