Farador de Edouard Albernhe Tremblay

 Ce long métrage exploite un genre longtemps boudé par les producteurs, l’héroïc-fantasy. Si ce cinéma a connu son heure de gloire et fait une génération d’émules dans les années 1980 avec des héros mythiques comme Willow, Xena ou Conan le Barbare, peu de films marquants mettant en scène des guerriers, mages et clercs ont vu le jour au cours des dernières décennies. On n’oublie pas bien entendu les deux trilogies de Peter Jackson inspirées du monde de Tolkien ou quelques séries cultes pour les fans comme Legend of the Seeker : L’épée de vérité. Mais cela reste quand même très minime quand on connaît le nombre de fans de jeux de rôles à travers le monde.

Longtemps considéré comme has been ou uniquement pour les geeks, le monde a évolué depuis quelques années et les sous-cultures ont désormais le vent en poupe. De plus en plus de producteurs ont pris conscience de la manne économique que représente la culture dite geek. Désormais devenus mainstream, des projets mis au placard pendant des lustres comme Farador peuvent enfin voir le jour. La réussite commerciale de franchises comme Stranger Things et son ancrage résolument geek ainsi que l’introduction de la première saison mettant en scène une partie de Donjons et Dragons ont changé la perception des investisseurs. De plus en plus de films surfent dès lors sur cette vague de la rétro nostalgie des geeks.

Si Farador rejoint cette catégorie, il s’agit plutôt d’une parodie de l’univers des Royaumes oubliés et des nombreux joueurs passionnés par l’univers d’Ed Greenwood. L’humour décalé et corrosif typiquement geek fonctionne à merveille. S’il y a une dose d’action raisonnable, Farador consiste principalement en une comédie romantique et satirique à l’humour grinçant. En parallèle de leur quête qui est lancée depuis 18 ans, le scénario porte également sur la vie sentimentale et les préoccupations de ces grands enfants qui adorent toujours se transformer en guerriers, mages, voleurs, elfes ou bardes une fois que le maître de jeu prend la parole. Et c’est un pur régal.

L’humour est permanent. Les dialogues en québécois font mouche. La Belgian touch incarnée par Florent Losson est également bien présente. L’hommage aux Royaumes oubliés d’Ed Greenwood, l’inventeur de l’univers de Donjons et Dragons est évident, mais l’ambiance générale rappelle plutôt celle de la série humoristique Naheulbeuk.

Si vous espérez des blagues potaches sur les maîtres de jeux à coup de tabernacles ou autres « drôleries niaiseuses », ça se passe ici. Mais la réussite principale d’Edouard Albernhe Tremblay est d’avoir réussi à conférer une âme et un background à l’ensemble des protagonistes du film. Il ne s’agit pas de simples avatars dispensables, mais bien d’une belle brochette de héros attachants.

Sans se situer dans une production à gros budget comparable à certains blockbusters américains, Farador dispose d’une réalisation soignée et d’un traitement qui plaira à tous les fans de dés 20. Farador est à l’héroic fantasy ce qu’est Shauwn of The Dead aux films de zombies, un petit bijou qu’il ne faut absolument pas louper.

En compétition Emerging Raven au BIFFF 2023, Farador a bénéficié du soutien d’Octopods Films. Si le tournage devait initialement se dérouler en Belgique, c’est finalement dans des ruines médiévales de Normandie que l’équipe a finalement posé ses bagages.

Pour l’anecdote, Farador s’est inspiré du court métrage éponyme d’Edouard Albernhe Tremblay. Ce dernier est bien connu de la communauté et des rôlistes après avoir connu en succès inattendu au début des années 2000 sur Google Vidéo, l’ancêtre de Youtube. Il s’agit ni plus ni moins d’une des toutes premières vidéos virales de l’histoire du Canada. Il aura fallu ensuite près de 15 ans pour que le monde soit prêt et que les financeurs soutiennent ce projet déjà culte pour de nombreux fans.

https://www.parallaxes.ca/video/la-bataille-de-farador/

https://www.octopods.be/en/film/#home

Le lien pour regarder la séance de question-réponse de FARADOR au festival BIFFF 2023

https://www.youtube.com/watch?v=rJ2RDl6AtQ0&ab_channel=BIFFF