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Fils de plouc de Lenny et Harpo Guit au BRIFF

Publié le 20/09/2021 par Kevin Giraud / Catégorie: Critique

Il n'y pas qu'en France que l'adage "quand on a pas de pétrole, on a des idées" est d'application, loin s'en faut. Depuis de longues années, les cinéastes belges de tout poil se sont appropriés cette expression pour nous livrer des pépites d'inventivité et de drôlerie. Lenny et Harpo Guit font partie de ceux-là, avec un grain de folie en plus. Entre influences de C'est arrivé près de chez vous et un ADN 100% génération home-video, ces deux frères issus respectivement de l'IAD et du Conservatoire de Bruxelles livrent avec Fils de plouc une comédie déjantée et irrévérencieuse à souhait. Du belge comme on n'en avait pas vu depuis longtemps.

Fils de plouc de Lenny et Harpo Guit au BRIFF

D'entrée, on embarque dans la bêtise attendrissante des deux frères Issachar et Zabulon, incarné par les deux réalisateurs, aux prises avec leur mère Cachemire à qui ils jouent l'une de leurs farces les plus abjectes. Une plongée un peu dégoûtante certes, mais qui annonce la couleur de l'iconoclasme qui va suivre, sans aucune limite ni aucun remords.

Après cette introduction corsée sur notre duo, l'on découvre une galerie de personnages secondaires tout aussi décalés, en marge d'une société bruxelloise ou plutôt cachés au cœur de celle-ci. Il y a Choukri, jeune réalisateur de cinéma fragile, porté par les élans de son esprit créatif. Il y a Daniel, éperdument amoureux de la mère de nos deux héros. Il y a encore Anthony, flic désœuvré à la limite du ripou, qui prend un malin plaisir à torturer les garnements. Et ce ne sont que les premiers énergumènes que rencontrent Zabulon et Issachar dans leur odyssée, à la recherche de Jacques-Janvier, le chien de leur mère Cachemire qu'ils ont malencontreusement égaré.

Une quête délirante qui les mènera tour à tour dans un clip vidéo au fond d'un garage, à moitié lynchés par une tribu de clochards, et enfin du mauvais côté d'un pistolet couvert de beurre de cacahuète, parmi d'autres aventures effarantes.

Un film qui s'assume complètement dans sa bêtise, et sonne comme un énorme délire entre amis. Le genre de films que gamin l'on rêverait de réaliser, et où l'on construit son scénario sur le principe du "on ne va JAMAIS trop loin."

Et c'est exactement la façon dont se ficelle la narration dans Fils de plouc, à coup de retournements de situation les plus fous, et d'apparitions de nouveaux personnages plus invraisemblables les uns que les autres. Entre la rue d'Aerschot et la tour du Midi, les protagonistes tombent de Charybde en Scylla sans jamais laisser une seconde de répit au spectateur.

Un mélange explosif d'images, de jeux visuels et de déconstruction des mécanismes cinématographiques pour emmener la folie toujours plus loin, toujours plus en dehors du cadre. Et quand ce n'est pas l'image, ce sont la musique et les sons qui créent le décalage, avec une recherche de contrepoint permanent où des situations terribles ou pathétiques deviennent grotesques ou grandioses, au rythme d'une bande son aux petits oignons.

Cinéma libéré et rempli par l'énergie de la jeunesse et de la bêtise, Fils de plouc pourrait n'être qu'une sorte de Jackass à la belge. Mais en mêlant leur univers avec des thèmes comme la peur de l'abandon, la relation mère-fils, ou en tissant des personnages aussi complexes que farfelus, le film dépasse son simple aspect de farce de gamin pour devenir une vraie œuvre d'art. Film dans le film, hommage autant que déconstruction d'un cinéma belge digéré et régurgité avec panache, l'expérience est aussi dérangeante qu'elle en est attendrissante, tout en étant, avouons-le, diablement drôle pour qui osera se lancer corps et âme dans l'OVNI de ces deux cinéastes venus en paix depuis la planète Bruxelles.

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