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Je suis dehors, de Eleftherios Panagiotou & Nina Alexandraki, 2024

Publié le 19/08/2024 par Malko Douglas Tolley / Catégorie: Critique

Nina Alexandraki est diplômée de l’INSAS tandis qu’Eleftherios Panagiotou travaille entre Athènes et Bruxelles. Dans leur film documentaire Je suis dehors, ce duo de réalisateurs aborde la question de l’asile politique de manière intimiste et contemplative à travers le portrait de Jamal, un Algérien réfugié en Grèce.

Je suis dehors, de Eleftherios Panagiotou & Nina Alexandraki, 2024

Le récit proposé dans ce documentaire de 48 minutes relate l’histoire d’un homme sans papiers déshumanisé, qui vit dans un immeuble désaffecté et à moitié abandonné. Les procédures interminables auxquelles il fait face laissent le spectateur songeur.

Depuis la vue sur la vallée qu’il a depuis son squat, les images et les dialogues captés par la caméra de Nina et Eleftherios montrent le vide existentiel dans lequel cet homme tente de survivre, physiquement, mais surtout psychiquement.

La narration impose des questions aux spectateurs sur le vide de sens de sa vie et sur la peur que sa situation engendre. Que ce soit la peur du dehors ou la crainte de se faire attraper par les autorités durant sa procédure, ce sans-papiers pousse à la réflexion philosophique. Tel un chat errant dans son squat, le spectateur observe un homme sans passé, sans présent et sans futur.

Sans le savoir, il questionne le monde et les gens sur les nouveaux besoins matériels suscités par nos sociétés modernes et sur le sens de la vie. Comme Jamal l’explique, un jour, sa mère lui a dit que soit il devait accepter de vivre en Algérie et le désastre qui s’impose aux jeunes dans ce pays, soit il devait partir dans l’espoir d’un monde meilleur. Ce dernier a donc choisi le départ, mais il attend un monde meilleur désespérément, tel un fantôme en quête d’amour dans un monde où le discours dominant, que ce soit dans la société ou surtout en politique, a tendance à invisibiliser de plus en plus le sort des réfugiés par une couverture médiatique sélective, des récits dominants ou encore des politiques d’asile restrictives qui rendent précaire le statut de ces victimes venues de l’étranger.

Avec un taux de chômage élevé, un manque de perspectives économiques ainsi qu’une répression de la liberté d’expression qui créent un climat de terreur et de frustration, les jeunes qui protestent ou contestent le régime algérien sont souvent persécutés et emprisonnés. Cette répression contribue à un sentiment de désespoir et à un exode massif des jeunes vers l’étranger. Plusieurs événements marquants, comme la répression des manifestations du Hirak en 2019 et 2020, ainsi que le boycott massif des jeunes lors des élections de 2021, qui s’est soldé par des arrestations massives pour boycott de la démocratie, attestent de la situation critique que vit la jeunesse algérienne.

Sans partis pris ni voix off, le documentaire de Nina Alexandraki et Eleftherios Panagiotou dresse le portrait brut d’un homme en plongeant au plus profond de son inconscient. Sans émettre d’avis ni de jugements, leur travail réflexif captive le spectateur.

 

Je suis dehors, coproduit par le CBA – Centre de l’Audiovisuel à Bruxelles et le Gsara, a bénéficié d’une diffusion au festival Millenium à Bruxelles et au Festival Jean Rouche en France en 2024 et est actuellement aux Etats généraux du film documentaire de Lussas (France).

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