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Le Festin de la Mante de Marc Levie

Publié le 01/04/2004 par Marceau Verhaeghe / Catégorie: Critique

Mante amante à l'amende

 

Le Festin de la Mante de Marc Levie

 

Une surprise cette année au programme du Festival international du Film Fantastique de Bruxelles : le spectateur attentif repère un long métrage belge : le Festin de la mante. Ce n'est pas tous les ans que notre pays peut proposer une production susceptible de se voir retenue dans cette programmation de puristes des films de genres. Et on n'attendait pas son réalisateur, Marc Levie, à pareille fête. On le connaissait surtout pour ses travaux publicitaires et pour avoir produit et réalisé nombre de téléfilms de la très kitsch Série Galante, des séances éroticoquines, quoique très familiales, qui firent les belles nuits du samedi sur Canal + et du mercredi sur M6, avant d'être recyclées sur AB3. Le réalisateur avait en outre à son bilan quelques courts métrages et films documentaires, mais il ne s'était encore jamais aventuré dans la réalisation d'un long métrage pour le cinéma, a fortiori dans le genre fantastique. Dévorés de curiosité, nous étions dans la salle, prêts à nous laisser dévorer. Nous en sommes ressortis indemnes.

 

Le Festin de la Mante de Marc Levie

La mante religieuse a toujours exercé sur l'imaginaire masculin une attraction significative. Insecte dont la femelle a pris l'habitude de s'offrir en guise de festin post-coïtal la tête de son mari, elle est devenue le symbole par excellence de l'amante dominatrice, castratrice, dévoreuse d'hommes qui prend, qui se sert et qui jette. On n'est donc guère étonné de retrouver dame Mante au centre d'un monstrueux triangle d'amour et de mort. Sylvia est une femme belle et mystérieuse. Julien l'a rencontrée un jour qu'il s'était endormi dans sa voiture. Au réveil, elle était-là, surgie de nulle part, cueillant des champignons qu'elle dévorait crus. Il l'avait emmenée sans se poser de questions. Depuis, un sentiment de plus en plus fort unissait ces deux-là, mais Sylvia se dérobait toujours davantage à l'homme qu'elle aimait, comme si elle craignait, en se donnant à lui, de les entraîner dans quelque terrible catastrophe. A côté, elle draguait ouvertement Patrick, un jeune trompe-la-mort, drogué aux sensations extrêmes, qu'elle entraîna dans une aventure charnelle somptueuse et irrésistible. Comme malgré elle, la mante referma son piège sur les deux hommes, pendant qu'au fin fond de la serre, chez Julien, un cocon grossissait, se développa et arriva petit à petit à maturité. Vous l'aurez compris, pas besoin d'avoir fait Polytechnique pour trouver les clés du scénario, tellement clair et prévisible qu'il nous ôte une bonne partie du plaisir à la vision. Le film est bâti autour du triangle le plus classique qui soit : un mari aimant, généreux, dévoué à l'objet de son amour jusqu'au sacrifice de soi, un amant jeune, démesurément vivant, égoïste et inconscient, une femme tiraillée entre ses sentiments et ses besoins vitaux, marquée par un destin plus fort qu'elle.

 

Le Festin de la Mante de Marc Levie

Ajoutez quelques personnages secondaires tout aussi évidents (des amis dévoués, une amante trahie mais loyale), des dialogues qui semblent sortir droit d'un atelier d'écriture pour adolescents avec une voix off inutilement verbeuse, et une direction d'acteurs en roue libre, vous déduirez que ce n'est pas du côté narratif qu'il vous faudra chercher les qualités du Festin de la mante. On les trouvera plutôt dans une photographie à couper le souffle due au talent du chef op. Michel Van Laer (Gaston's War, Pauline et Paulette) l'habillage digital de la firme d'effets spéciaux Cine&Fx supervisé par Patrick d'Artois; et de très beaux décors, naturels et d'intérieurs. On mentionnera encore le travail de quelques comédiens qui mettent tout leur cœur à rentrer dans des personnages difficiles à habiter : le jeune "chien fou " Sacha Kollich - sa présence à l'écran aurait mérité un meilleur coaching - et la comédienne principale Lou Broclain, dont la plastique impeccable est un autre atout majeur du Festin de la mante, au point de presque faire oublier qu'elle est une des rares à réussir à se mettre en bouche des textes peu évidents. Mélangeant un fantastique prévisible à un érotisme soft, Le Festin de la mante peine à se démarquer des productions télévisuelles qui ont fait la notoriété de son réalisateur. C'est peut-être ce qu'on appelle un style, mais on ne peut s'empêcher quand même de regretter qu'un film, dont on a à ce point soigné la forme et l'esthétique, se voit à se point sinistré par la désinvolture avec laquelle on a pris soin du fond (scénario, dialogues, direction d'acteurs.) Cela confine à l'autodestruction. Dommage.

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