Rituel païen et moderne exorcisme
Il existe, sans doute, parmi les bergers du mont Lozère, dans les Cévennes sauvages du sud de la France, un rituel très ancien qui se transmet oralement de proches en proches, un peu comme un secret, mystérieux et puissant. Un rituel qui opère là où se déchaînent les éléments, là où souffle la tourmente et qui concerne les hommes et les bêtes qui se sont égarés et ont disparu de la mémoire des vivants.
Pour ceux qui restent, pour ces bergers parcourant les solitudes désertiques, il n'est peut-être rien de plus important que d'exorciser ce sentiment d'oubli qui précipite les égarés dans cet exil crépusculaire dont la lumière s'apparente aux soleils pâles de l'hiver et semble ignorer jusqu'à l'éventualité d'un printemps.
C'est contre cette amnésie, cette distraction fatale de soi et des autres, que le rituel se dit et se perpétue. Entre cérémonial et invocation, il se pratique à l'époque hivernale des grands vents et des frimas extrêmes, quand tout ce qui vit semble mourir. Et il décrit les étapes d'un cheminement difficile qui relie des lieux de disparition et d'agonie, tentant de raviver le feu, la nécessaire présence de ceux qui se sont perdus dans les tourments et ne sont jamais revenus.