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Lorsqu’on formate pour mieux gérer, même par souci d'équité, dans quel interstice peut-on encore infiltrer la créativité ?

Publié le 17/03/2010 par Dimitra Bouras / Catégorie: Carte blanche

De l'idée géniale qui illumine, au mot « Action » enfin prononcé, des mois, voire des années peuvent s’écouler. Le passage de l'immatériel au support pellicule ou fichier informatique est une longue maturation. Peser et soupeser son inspiration, la triturer, la malaxer, l'élargir, la rétrécir, la mettre à mal.

Quand, enfin, elle aura pris une forme cohérente, il faudra la coucher sur papier, en faire un dossier, trouver les mots qui atteindront les juges de l'approbation. Une histoire, pas trop nébuleuse, pas trop fantasque, pas trop émotionnelle, pas trop personnelle, pas trop coûteuse, et toutefois talentueuse ! Le dossier passe de main en main, raturé, souligné, annoté. En fin de parcours, un autre film, déjà, semble se profiler. Mais quelles concessions ne ferait-on pas pour pouvoir dominer les commandes d'un plateau ? Les refus succèdent aux accords, et vice-versa; les uns sont emballés, les autres perplexes. Convaincre, négocier, monnayer : le producteur sort tous ses atouts. Mais si le producteur est aussi réalisateur, il s'agira de ne pas devenir trop insistant : les décideurs se lassent vite des enquiquineurs… Ah, le charme, l'art du sourire, de la flatterie, de la mise en confiance...

Prenons garde, car les règles administratives peuvent se situer à des années lumière des lois de la création.
À force de vouloir contrôler les différentes étapes de la mise en chantier d'une réalisation jusqu'à sa rencontre avec le public (du comité de sélection à la promotion), à coups de questionnaires et de formulaires, l'administration ne craint-il pas de provoquer la course aux dossiers bien ficelés où l'adéquation aux critères chiffrés prime sur la recherche cinématographique ?

Des appréhensions se font entendre, et les premiers à se manifester sont les cinéastes qui ont encore à prouver leur statut de créateur d'images, ceux qui comptent avant tout sur eux-mêmes, et non sur une structure professionnelle pour les représenter.

Si les premiers déstabilisés sont ceux qui forment le vivier de talents d'où émerge ce qui fait la fierté du 7ème Art belge, à trop vouloir l'encadrer, on peut redouter une reconversion du paysage cinématographique. Soyons vigilants de ne pas tuer dans l'œuf le moteur de l'imagination !

Un producteur se laissa guider par ses passions d'aventurier et a transmis nombre de films à des générations de cinéphiles. Monsieur Pierre Levie a quitté ce monde après avoir pleinement rempli sa vie et nos écrans. Son œuvre a marqué à jamais l'histoire du cinéma belge.