Cinergie.be

Ritueel de Hans Herbots

Publié le 09/09/2022 par Grégory Cavinato / Catégorie: Critique

Les fantômes du Roi Léopold

En 2014, avec De Behandeling, le cinéaste flamand Hans Herbots adaptait le roman The Treatment de l'Anglaise Mo Hayder et en transposait l’action en Belgique. Le héros britannique du best-seller (premier livre d’une série de sept), Jack Caffery, devenait ainsi à l’écran l’inspecteur général Nick Cafmeyer (interprété par Geert Van Rampelberg), qui enquêtait sur un cercle pédophile. Huit ans plus tard, avec Ritueel, tiré du roman Ritual, Herbots nous propose la deuxième aventure du policier au cinéma, mais cette fois, c’est une femme qui a le premier rôle.

Ritueel de Hans Herbots

Kiki (Marie Vinck) est une plongeuse professionnelle qui aide la police criminelle à repêcher des cadavres. Ça fait maintenant un an qu’elle a perdu ses parents en Afrique du Sud, lors d’un étrange accident de plongée qui a provoqué leur noyade. Ce jour-là, Kiki avait dû choisir entre sauver la vie de sa mère et celle de son frère Tom (Lukas Bulteel), ce dernier ayant finalement survécu. Traumatisée, la jeune femme en a gardé un fort sentiment de culpabilité, d’autant plus que Tom est aujourd’hui mêlé à des affaires louches et compte régulièrement sur elle pour le sortir de la mouise.

Lors de sa nouvelle enquête, Kiki découvre deux mains tranchées au fond d’un canal bruxellois, apparemment sciées alors que la victime était encore en vie. En tandem avec l’inspecteur Cafmeyer, leur enquête les mène sur la piste d’une famille de riches industriels ayant fait fortune au Congo. Par l’entremise de son ami Cézaire (Eriq Ebouaney), universitaire et auteur d’un ouvrage choquant sur l’occupation belge au Congo (où les colons coupaient les mains de leurs esclaves pour les punir), Kiki croise également le chemin de militants en colère du quartier Matonge qui luttent pour obtenir des réparations pour ces crimes de guerre.

Assez gonflé pour un film belge, tout polar de divertissement qu’il soit, d’aborder de manière frontale le génocide commis au Congo lors du règne de terreur de Léopold II (avec une estimation de 5 à 15 millions de morts), qui a exploité les ressources naturelles du pays pour asseoir sa fortune personnelle. Des atrocités qui, semble-t-il, n’appartiennent pas encore totalement au passé, puisqu’aujourd’hui encore, nos smartphones contiennent des pièces obtenues par l’extraction du cuivre et du cobalt par des enfants dans les mines du Congo !

Avec ce sous-texte historique qui impacte chaque protagoniste à sa façon, Herbots signe un passionnant polar dans lequel l’héroïne, particulièrement attachante, se débat douloureusement avec son sens de la responsabilité (vis-à-vis de sa famille), thème majeur du film qui s’étend aux meurtriers, mais aussi à l’état belge, à ces familles qui, de génération en génération, ont bâti des fortunes sur la souffrance de tout un peuple, mais également à la communauté internationale qui, depuis toujours, détourne le regard des malheurs d’un continent ravagé par des crimes souvent impunis. Tourné dans des quartiers de Bruxelles bien connus (de Schaerbeek à Matonge en passant par le tristement célèbre « tunnel de la pisse » qui jouxte la Gare du Nord), Ritueel n’a pas vocation à révolutionner le genre. Mais un bon thriller qui ose ouvrir le débat en dénonçant notre passé honteux et ressort les casseroles de nos dirigeants s’avère, mine de rien, une proposition de cinéma rare et pour le moins étonnante.

Tout à propos de: