Dans la foulée de La Trêve en 2016, la série Ennemi Public avait fait entrer les séries belges francophones dans une autre dimension, à travers la création du Fonds Séries, pour rappel mis en place par la Fédération Wallonie-Bruxelles et la RTBF. Six ans plus tard et durant cet été 2022, Ennemi Public a mis en boîte sa troisième et dernière saison. Une nouvelle salve qui, pour correspondre à l'ère du temps, comprendra six épisodes, au lieu des dix habituels.
Entre la volonté de la RTBF de réduire le nombre d'épisodes, le décès d'un des comédiens principaux - Vincent Eloy, en mai 2021 -, plusieurs réécritures du scénario et bien sûr, la crise sanitaire, pas mal d'incertitudes ont plané autour de la préparation de la troisième saison d'Ennemi Public. C'est donc avec un certain soulagement que s'est déroulé ce dernier tournage, bouclant une série qui, à l'échelle belge francophone, a d'ores et déjà fait date.
Et c'est à Ittre, près de Braine-L'Alleud, au sein du monastère Saint Charbel, qu'avaient lieu les dernières prises de vues. "Qui fait donc office de décor de l'abbaye de Vielsart dans la série, Guy Béranger (Angelo Bison) étant pour rappel devenu moine depuis la deuxième saison", nous précisera Gary Seghers, l'un des deux réalisateurs avec Matthieu Frances. Un vaste cadre qui, comme cela arrive parfois, permet à l'équipe de centraliser plusieurs lieux : cellule, cuisine, infirmerie, couloirs...
Et comme cela a été le cas lors de la saison précédente, l'équipe s'est scindée en deux – l'autre, dirigée par Frances, se trouvait à Court-St-Etienne et à La Hulpe au moment de notre visite -, une particularité plutôt rare dans notre paysage. "Cela pourrait être pris pour un luxe", ajoute Seghers, "mais c'est plutôt une équipe normale qui a dû se couper en deux, pour mettre en boîte tout ce que nous voulions. Car une telle entreprise reste intense, avec des problèmes différents qui surgissent tous les jours. Ce n'est pas parce qu'un succès est au rendez-vous, que les vannes s'ouvrent et qu'on a soudainement plus de moyens ou de confort de travail. Disons qu'on a la chance d'être deux réalisateurs et d'avoir une équipe de feu."
Sans trop en dévoiler, cette saison mettra en scène Chloé Muller (Stéphanie Blanchoud), toujours en quête de sa petite sœur Jessica (Pauline Étienne). Pendant qu'au même moment, la police retrouve la trace de Paul Van Acker, dans une région que Béranger semble bien connaître. Dans l'entité de Vielsart, Béranger joue au moine parfait, mais poussé par de nouvelles pulsions, il profite de chaque moment pour se rendre au village et y repérer qui, parmi les enfants, pourrait être sa prochaine victime. Seul Lucas Stassart (Clément Manuel) semble en mesure de freiner ses ardeurs. Pour la première fois tournés en été, ces épisodes devraient rendre une atmosphère différente à l'ensemble. "C'est une conséquence heureuse de la refonte du scénario. Il y a donc d'autres costumes, des couleurs différentes et disons, une nouvelle énergie pour cette saison finale. Qui offrira pas mal de nouveautés et de surprises aux public", explique Seghers.
Loin d'être anodin, le retentissement de la série a largement dépassé le cadre des frontières belges, en étant vue dans plusieurs dizaines de pays à travers le monde. "Avoir été si bien reçu, cela reste bien sûr une énorme fierté", complète le réalisateur, "mais sincèrement, on a envie de rester humbles par rapport à ça. On ne fait jamais que des images ! Là, on arrive au bout, on est fatigués mais on a tout donné. Pour moi, c'est tout de même un chapitre de dix ans de vie qui se termine". Et preuve de la valeur de la « marque » Ennemi Public, l'accueil toujours enthousiaste réservé à l'équipe, au quatre coins du pays. "Quand on se déplace, c'est vrai qu'on constate qu'on nous connaît bien, ce qui est agréable. Un exemple parlant : quand on arrive à Alle-sur-Semois, c'est tout le village qui se tient prêt à nous accueillir, avec même des commerces qui ouvrent plus tard, juste pour nous. C'est gratifiant..."
Réalisateur autodidacte – à l'origine, il est photographe -, Gary Seghers avait été sollicité par les créateurs après à peine un court-métrage (Intus, avec Jérémie Renier). L'expérience engrangée sur Ennemi Public lui a ensuite permis de réaliser d'autres projets (des clips, notamment) et des épisodes de la série Coyote. "Tout ça, il faut le dire, c'est quand même grâce à la mise en place de ce Fonds Séries. Sans cela, j'en serais peut-être resté à un court-métrage et je serais devenu caissier. Mais voilà, j'étais là au bon endroit au bon moment. Comme quoi, c'est important de continuer d'ouvrir les portes à de jeunes réalisateurs et à de jeunes auteurs, il n'y a pas de miracles, une émulation, ça se crée". Quant à la suite, comment l'imagine-t-il ? "J'ai plusieurs projets en gestation, dont je ne préfère pas encore parler. Mais j'aimerais bien avoir un projet seul où jeter toute mon énergie, quitte à assumer le succès ou la défaite au final. Ce sera sûrement dans le policier et le fantastique, mais pas dans la comédie qui j'avoue, me fait peur !"
Endeuillée par la disparition précoce du comédien Philippe Jeusette, décédé le 25 août dernier d'une crise cardiaque à 56 ans, Ennemi Public, initiée par les Bruxellois d'Entre chien & loup, fait donc partie des séries sur lesquelles compte la chaîne publique. Celle-ci diffusera cet automne Des gens bien, le dernier projet du trio créateur de La Trêve (Stéphane Bergmans, Benjamin d'Aoust et Matthieu Donck), porté par les acteurs Lucas Meister et Bérangère McNeese. Avant la tout aussi attendue 1985 – coproduite avec la VRT –, présentée cette année en compétition au Festival Cannes Séries et qui reviendra sur les tueries du Brabant. Sans oublier Attraction, tout juste récompensée du prix de la meilleure fiction francophone étrangère, au Festival de La Rochelle. Enfin, précisons qu'entre autres, une deuxième saison de Baraki est en cours de préparation.
