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Sur le tournage de Lola vers la mer

Publié le 22/11/2018 par David Hainaut et Tom Sohet / Catégorie: Tournage

Franchissements de cap

Après un premier film - Even Lovers Get The Blues - en 2016 tourné sur Fonds propres qui l'a révélé, Laurent Micheli vient d'embrayer en bouclant le tournage de Lola vers la Mer, son second long-métrage, produit cette fois de façon traditionnelle. Imaginé il y a trois ans, ce film aux allures de road-movie a la particularité d'employer une jeune transgenre débutante (Mya Bollaers), dont le personnage entretient un rapport délicat avec son père, interprété par Benoît Magimel. Petite escapade sur le plateau, lors de la septième et dernière semaine de tournage.

 

Rebecq, octobre 2018. Difficile, sur la Chaussée de Mons, de louper le bar à hôtesses - même désaffecté – utilisé plusieurs jours pour les besoins du tournage de Lola vers la mer. Pour l'équipe, la fin de l'aventure est proche, une certaine fatigue se ressent, mais l'attention reste maximale, plusieurs scènes cruciales étant à mettre en boîte avec la jeune débutante Mya Bollaers et Benoît Magimel, dans un décor sombre et exigu. Voire mystérieux...

 

Mya Bollaers VS Benoît Magimel

À deux pas de là, sous l'habituelle tente servant à l'équipe, autour de quelques-uns de ses membres et d'une poignée de figurants, nous croisons Sébastien Hagenhauer, le coproducteur français (l'autre, Benoît Roland, est Belge), dont c'est la première expérience dans notre pays. "Avec Benoît, on a décidé de produire ensemble ce film, dès son développement. On s'entend bien et tout se passe à merveille, surtout qu'on a un grand comédien français et une future grande comédienne belge. Même si elle débute!"

Si, dans le milieu du cinéma belge francophone, Laurent Micheli, qui fêtait ses 36 ans pendant son tournage, a marqué les esprits dès sa première tentative sur grand écran (Even Lovers Get The Blues, une autoproduction nommée deux fois aux Magritte et lauréate d'une dizaine de prix dans le monde), Hagenhauer a lui connu le réalisateur bruxellois à La Fémis, la prestigieuse école française de cinéma, tandis que pendant près d'un an, Micheli participait à un atelier. "C'est grâce à un livret destiné aux producteurs que je suis tombé sur le pitch de Lola vers la mer, que j'ai trouvé fort et vachement intéressant. Avec Laurent, on s'est alors vu et plu, et quand je lui ai fait part de mon intérêt de le produire, il était... ennuyé, car il m'a confié déjà avoir un producteur belge. Mais comme Benoît et moi nous nous connaissions déjà via le milieu, il a élégamment proposé d'y aller à deux. J'ai plus tard visionné et adoré Even Lovers Get The Blues, qui m'a conforté dans l'idée d'avoir rencontré un vrai réalisateur, qui sait poser une caméra, diriger des comédiens et des techniciens. Faire un film, quoi ! On s'est alors focalisé sur le scénario et la machine était lancée. Et là, sur ce tournage, les quelques rushs que j'ai vus m'indiquent qu'on ne s'est pas trompés..."

 

Un premier rôle délicat à trouver

Traitant d'un thème dans l'air du temps, le scénario évoque le destin de Lola, une jeune étudiante transgenre de 18 ans qui, alors qu'elle apprend son opération possible, perd celle qui devait l'aider financièrement : sa mère. Pour respecter les dernières volontés de celles-ci, Lola et son père Philippe, pourtant en froid depuis deux ans, sont contraints de se rendre ensemble jusqu'à la côte belge. Mais en chemin, ils vont s'apercevoir que l'issue de ce trip n'est pas tout à fait celle attendue. Une histoire-prétexte à un voyage émotionnel, où le personnage joué par Magimel servira de relais d'identification pour une majorité de spectateurs. Haguenauer commente : "J'ignore si c'est l'unique ou le premier film de la sorte, mais contrairement à son illustre et très beau prédécesseur Girl, on a tablé dès le départ sur l'idée d'une véritable héroïne transgenre, plutôt qu'un acteur ou une actrice." Pour dénicher la perle rare au sein d'une population de transgenres qu'on devine restreinte – il s'agissait en plus de trouver un personnage avant, pendant ou juste après la "phase de transition" - un casting a été lancé il y a plus d'un an, entre Belgique, France et Suisse. "Et trois mois avant de tourner, on a repéré la personne qui joue dans ce film. Il n'y en avait pas deux capables de le porter ainsi, elle était l'évidence! Sans quoi, on aurait alors là été obligé de faire jouer une cisgenre..." (NDLR: le terme en opposition à transgenre). C'est donc la Belge Mya Bollaers qui a été retenue, dont c'est la première expérience de jeu dans l'absolu. Malgré un charisme évident, un travail logique de coaching en amont a été nécessaire, pour elle bien saisir et restituer des émotions.

 

Un "semi" road-movie

Un peu plus tard, sur le plateau cette fois, nous conversons avec le réalisateur, lors d'un changement de plan. Qui d'emblée, nous parle de la... météo. "On a eu une chance incroyable avec le temps, car il y a énormément d'extérieurs prévus dans ce semi road-movie (NDLR: la balade en voiture débute au tiers du film). On a donc eu une très belle lumière !" Quant au fait de tourner un premier long-métrage dans des conditions "normales", Micheli rétorque : "Si pas mal d'aspects sont identiques à Even Lovers Get The Blues, on a plus de moyens pour la lumière et les décors. On peut donc pousser les intentions artistiques plus loin. Car esthétiquement, j'ai quand même envie de tenter quelque chose ! Disons que ça me comble un peu plus, même si fatalement, il y a plus de pression. Mais on apprend à vivre avec. Puis, une partie de l'équipe était déjà dans mon premier long. Et on le sait tous, un film, c'est aussi une histoire de famille !" Une équipe technique où l'on retrouve notamment quelques pions essentiels de La Trêve (1 et/ou 2), tels Olivier Boonjing à l'image, Catherine Cosme aux décors ou Julie Naas au montage, qu'elle vient tout juste d'entamer.

Autre nouveauté pour Micheli, un premier tournage avec un acteur "bankable", Magimel en l'occurrence, César en 2016 du meilleur acteur dans un second rôle pour La Tête Haute : "Connu ou pas, un acteur reste un acteur. Comme réalisateur, on s'adapte toujours à la personne qu'on a en face de soi, en essayant de trouver les moyens de l'accompagner. Cela se résume à cela. Peut-être qu'il y a là aussi une petite pression en plus, mais c'est agréable de bosser avec un comédien aussi talentueux".

Produit par les Belges de Wrong Men (Préjudice, Parasol, Dode Hoek...), les Français de 10:15 ! (9 Doigts, primé au Festival de Locarno en 2017) et différentes aides (Centres du Cinéma Belge et Français, la RTBF, Proximus TV, le Tax Shelter,...) Lola vers la Mer, film coécrit par Marion Dussot, Agnès Feuvre et Micheli lui-même, est par ailleurs interprété par la Flamande Els Deceukelier (Home), et Anémone Valcke (Offline), Jérémie Zagba (Driss, dans La Trêve), Delphine Bibet (Nue propriété, Torpédo) ou encore, Félix Vannoorenberghe, récent Prix de la Critique espoir en théâtre. Un ensemble alléchant sur papier, qui verra le jour sur grand écran courant 2019. 

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