Solange Cicurel, lauréate d'un Magritte pour son premier film, Faut pas lui dire, revient avec un long-métrage ambitieux, cette fois centré sur le harcèlement scolaire. Tourné en grande partie dans les rues de Bruxelles, le film traite ce sujet sensible avec une sincérité touchante et un réel souci de sensibilisation.
TKT de Solange Cicurel (2024)
Avec un duo formé par Emilie Dequenne et Stéphane de Groodt dans le rôle de parents bruxellois adeptes de l’éducation positive, Solange Cicurel a réuni un casting résolument belgo-belge de qualité pour son drame scolaire. Aux côtés de figures montantes de la scène belge, comme N’landu Lubansu, et de sa jeune comédienne fétiche Lily Dupont, présente dans tous ses films depuis 2016, TKT (2024), T'inquiète ou Ne t'inquiète pas en argo internet, met en lumière le personnage d’Emma, incarné par la charismatique et touchante Lanna de Palmaert.
Le film débute de manière originale et fantastique avec une scène où la jeune Emma, plongée dans le coma, se retrouve face à son propre esprit fantomatique. Celui-ci entreprend une enquête pour découvrir les circonstances qui l'ont conduite jusqu'à ce lit d'hôpital, offrant ainsi une entrée en matière intrigante et captivante. Cette ouverture promet un véritable thriller mêlant suspense, mystère et investigation.
L’histoire est tirée du roman Tout ira bien d’Elena Tenace, publié chez Livr’s Éditions, une maison d’édition montoise qui mérite d'être découverte pour les nombreux auteurs francophones émergents qu’elle met en avant depuis plus d’une dizaine d’années.
Le film adapte le thème du harcèlement scolaire en mêlant fantastique et réalité, comme dans l'ouvrage. Toutefois, contrairement au roman qui surprend avec des twists bien placés et une descente aux enfers captivante, TKT souffre d'une linéarité qui le rend trop prévisible. Le spectateur devinera facilement le dénouement final, ce qui atténue l'impact émotionnel et la tension narrative que l’on aurait pu espérer.
Si le film aborde efficacement les thématiques du cyberharcèlement, de l'ostracisme social et du revenge porn, et se révèle parfois pertinent, voire percutant, dans sa représentation de ces problématiques contemporaines, le ton et la narration semblent parfois discordants avec la gravité du sujet.
De plus, certains messages semblent quelque peu décalés pour un film qui se veut le porte-étendard d'un message positif fort auprès des jeunes. L'idée véhiculée par Stéphane de Groodt, le père d’Emma dans le film, qui réduit la véracité d’un sentiment amoureux à la jalousie ressentie paraît particulièrement problématique. Dans ce film, selon lui, on sait si l'on est vraiment amoureux de quelqu’un si l'on ressent de la jalousie en le voyant embrasser quelqu'un d'autre. L'absence de jalousie serait ainsi interprétée comme le signe d'un amour non authentique.
Étant donné que le polyamour chez les jeunes est régulièrement mentionné dans les affaires de cyberharcèlement et de stigmatisation sociale, un message sur le sens de l’amour plus moderne, inclusif et nuancé, et surtout qui ne fait pas l’apologie de la monogamie, aurait été probablement bien plus approprié.
La bande-son du film est quant à elle de très belle facture, alliant à la fois modernité et localité. On y reconnaît la voix unique et remarquable de Coline Debry du groupe belge Colt, ainsi que celle d'autres artistes talentueux de la scène musicale bruxelloise. Cette dimension musicale enrichit l'expérience cinématographique en ancrant le film dans un contexte sonore à la fois contemporain et authentique.
Produit par Beluga Tree, la société belge qui a également coproduit Les Meutes de Kamal Lazrag et Rebel d’Adil El Arbi et Bilall Fallah, TKT reste un film intéressant et divertissant qui saura probablement séduire un public plus jeune et/ou amateur de cinéma plus mainstream.
Comparé à d’autres productions récentes sur le sujet, comme l’incroyable Un Monde (2021), de Laura Wandel ou encore, Amal : Un esprit libre (2023), de Jawad Rhalib, qui offrent des approches plus profondes et nuancées du harcèlement en milieu scolaire, TKT peine un peu à captiver les cinéphiles plus exigeants.
Probablement plus accessible pour les jeunes et le grand public, ce film garde le mérite de transmettre un message important sur les réalités du harcèlement scolaire et du cyberharcèlement, le tout en proposant une réalisation soignée et de qualité.
Roman Tout ira bien, d’Elena Tenace
https://www.livrs-editions.com/boutique/young-adult/tout-ira-bien/
Solange Cicurel et Lanna de Palmaert seront présentes à l’avant-première du cinéma Plaza à Hotton le jeudi 26 septembre.
https://www.plazahotton.be/evenements/tkt-tinquete-avant-premiere-rencontre-realisatrice-et-actrice/