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Une douce révolte de Manuel Poutte

Publié le 15/05/2015 par Sylvain Gressier / Catégorie: Critique

Si il est une chose que le documentaire et les aberrations commises de par le monde par les instances économico-politiques ont en commun, c'est bien leur exponentielle profusion. L'un se nourrissant de facto des facéties de l'autre, le foisonnement de productions à tendance alarmiste sur la manière dont on consomme, on travaille, on voyage, on dort, on obéit, on réfléchit, on exploite, on impose ou l'on respire, a de quoi déprimer même le plus gaillard des chômeurs longue durée. En effet, comme Michel Rocard et bien d'autres andouilles après lui le firent remarquer, nous ne pouvons pas accueillir toute la misère du monde. Et il en va de même pour notre moral déjà bien malmené par la chute du pouvoir d'achat. Faute de savoir pour l'heure si un autre monde est possible, un autre type de documentaire l'est assurément : le feel good movie, road trip écolo ou altermondialisme zen et/ou décroissant est l'alternative éthique parfaite à la résignation type Canal + et prozac.

Bien malin pourtant qui saura passer entre les mailles lobbilistico-médiatiques du greenwashing roi, tout en séparant le bon grain de l'ivraie bio...

Une douce révolte  de Manuel Poutte

C'est donc en quête d'une nouvelle raison d'espérer que le couple Manuel Poutte-Sandrine Tenaud part sur les routes à la rencontre de personnes porteuses d'alternatives au modèle dominant imposé.

Ils arpentent la France, la Belgique et l'Italie, et on découvre avec eux ces personnes qui remettent en question, par leurs actions et leurs discours, les principes d'économie, de politique, de travail et de consommation. L'une des forces de ce processus déambulatoire est de mettre en exergue, dans ce quotidien sans cesse plus individualiste, le retour à une logique de rencontre et de partage. Tant de manière intellectuelle que concrète, les exemples proposés par le réalisateur au fil de son périple donnent à voir une multitude d'initiatives locales de réappropriation du vivant.

Pourtant, au fil du récit et au delà des discours, le film inscrit en filigrane l'image d'une situation humainement complexe. S'il est relativement aisé de renouer du lien et de créer du partage à des échelles locales entre personnes volontaires et convaincues, il en va tout autrement lorsqu'il s'agit de vaincre le pragmatisme du béotien peu enclin à échanger ses euros contre des bouts de papiers estampillés monnaie alternative.

Une douce révolte est donc un film plein de bonne volonté qui œuvre à son niveau au laborieux et nécessaire changement global de mentalité. Le constat est annoncé, rabâché à l'envi, l'avenir sera décroissant ou ne sera pas ! 

Au delà de la forme légère, le film, en refusant d'entrée de jeu une portée de la lutte politique « active », induit une idée qui dérange: il n'est point d'antagoniste que nous-même, si le problème est global, la solution se doit d'être en chacun de nous. Voilà le constat tout personnel du réalisateur qui, il y a quinze ans, filmait dans En vie ! les actions de différents groupes de résistance. Aux discours alarmistes, accusateurs et globalement désespérants, Manuel Poutte prend le pli inverse et balaie toute dualité pour se baigner dans une bien-pensante bohème.

Un peu maladroit dans la construction, parfois bancal dans le cadre ou léger dans le montage, le propos, lui, tient le film sur sa durée et c'est bien d'avantage la somme de ces rencontres et de ces aspirations qui forment quelque chose de spontané et de sensible plus qu'intellectuel et militant.

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