À chaque édition ou presque, Arno Pluquet est présent dans la sélection de longs-métrages du BIFFF. Il s’agit d’un exploit vu le peu de moyens dont il dispose pour ses films réalisés de manière indépendante (2500 euros pour son dernier). Ce réalisateur et scénariste belge autodidacte joue également dans ses films, on peut notamment l’apercevoir au début de L’Odyssée sanglante du lapin rose dans le rôle du caissier de l’épicerie. Son dernier long-métrage entièrement en noir et blanc relate la déchéance d’un homme meurtri par la vie et par les gens.
Arno Pluquet : L'Odyssée sanglante du lapin rose au BIFFF
Pour mieux comprendre la démarche de ce réalisateur dont les productions ne sont pas destinées au grand public, nous sommes allés à sa rencontre, confinement oblige… de manière virtuelle.
Son dernier long-métrage, repris dans la sélection du BIFFF Online 2021, présente, dans son état le plus pur, l’abjection dont les humains peuvent faire preuve envers les autres humains en ce bas monde. « Qui sème le vent, récolte la tempête » est une expression qui pourrait être adaptée en « Qui sème la misère, récolte la foudre » si l’on veut définir l’attitude du héros du film. Ce dernier va en effet rendre la monnaie de leur pièce aux gens qui l’ont poussé dans ses derniers retranchements, c'est-à-dire tous ceux qui ont fermé les yeux sur ses appels de détresse et son désespoir profond.
Nous n’allons pas dévoiler plus de ce film qui est sans doute l’un des plus aboutis de la filmographie d’Arno, même s’il souffre encore de petites lenteurs et de passages dispensables. Rien à voir avec son premier film diffusé il y a 6 ans déjà. Le Lapin Rose reste plus lent que le précédent, Du sang dans le pop-corn, mais ce rythme reste un choix du réalisateur.
Entre Strip-tease et C’est arrivé près de chez vous avec un budget minimal en fond propre qui s’élève à moins de 2.500 euros pour ce Lapin rose, on ne peut pas non plus exiger de miracles. On se doute que tout n’est pas possible avec des moyens réduits et Arno doit bien entendu regorger d’inventivité pour arriver à produire un long et/ou court-métrage par an comme il le fait depuis 5 ou 6 ans déjà.
C’est au BIFFF, terrain propice pour lui, qu’Arno a trouvé son public. Ses films ont été sélectionnés à plusieurs reprises et ils rencontrent un certain succès auprès d’une fraction de festivaliers à la recherche de ce type de cinéma de niche. Les films d’Arno Pluquet sont presque des ovnis dans la sélection du BIFFF car on touche vraiment à une forme de cinéma indépendant qui arrive très rarement dans les festivals de cette ampleur. Des accords sont en cours pour d’autres éventuelles diffusions mais rien de concret dans le contexte actuel. C’est surtout l’avènement des nouvelles plateformes alternatives de streaming et/ou le format dvd qui laissent entrevoir une diffusion à plus grande échelle de ses films à ce réalisateur au style propre qui ne conviendra pas aux âmes les plus sensibles et aux amateurs de cinéma plus traditionnel.
Arno Pluquet observe les gens. Il les écoute. Il se nourrit de leurs soucis et de leur détresse pour exprimer les maux de ce monde à travers ses films. Certains trouveront son cinéma parfois maladroit, parfois ennuyeux, d’autres vantent au contraire sa capacité à exprimer des idées généralement taboues dans le spectre tout puissant et de plus en plus omnipotent du politiquement correct.
Mathieu Haessler, ami et cadreur, utilise une FS7. Cette collaboration qui existe depuis de nombreuses années est cruciale dans la pérennité du projet. Fan de Xavier Seron et de l’humour noir en général, Arno Pluquet a expliqué lors de notre rencontre que son souhait était de faire quelque chose de différent dans le cinéma belge, tout en abordant des problèmes politiques et sociaux. L’idée de son dernier film, c’est de montrer à quel point les gens écoutent sans écouter. On demande « Comment vas-tu ? » mais la question n’est que rarement véritable. On voit la détresse, mais on détourne le regard et on oublie.
Son souhait le plus cher est qu’un producteur « fou » lui fasse confiance pour mettre en place un projet de niche collector, et qui sait, vu le collectif de fans fidèles qu’il s’est constitué lors de ses nombreuses sélections au BIFFF, le rêve (ou le cauchemar suivant la perspective) va peut-être se réaliser !
Plus de films d’Arno Pluquet disponibles sur son Vimeo.