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Brussels by Night de Marc Didden

Publié le 10/01/2004 par Jean-Michel Vlaeminckx / Catégorie: Événement

A l'occasion de la remasterisation du film et sa projection sur grand écran, au cinéma Palace ce 25 avril 2024, nous republions le texte qui annonçait la sortie DVD du film suivi d'un entretien avec Marc Didden en 2004.

Brussels by Night de Marc Didden

La sortie en salles en 1983, fut ressentie comme un coup de tonnerre dans le ciel serein du cinéma belge. Le cinéma flamand nous avait habitué aux drames du terroir. Côté francophone, Henri Storck et André Delvaux régnaient en maîtres sur la pellicule. Soudain, Marc Didden, un ex-journaliste de rock, réalisa un long métrage choc avec les moyens qu'avait utilisés jadis la Nouvelle Vague à ses débuts, c'est-à-dire en bricolant ! Et quel film ! Pas une bonne petite histoire adaptée de notre patrimoine littéraire mais une histoire sombre d'un homme révolté par l'existence molle et consumériste que la société lui proposait.

Premier film belge à témoigner de sa génération, celle de l'absence de perspectives que la jeunesse avait héritée de la période punk de la fin des années septante, 20 ans après, lors de sa sortie en DVD, il demeurait le même brûlot cinématographique urbain que lorsqu'il fut primé meilleur premier film au Festival de San Sebastian. « On sortait juste de la période punk et on pouvait encore lire No future écrit sur les murs. Je me sentais déjà devenir un vieux con. A cette époque, on était un vieux con à trente ans », remarque Marc Didden aujourd'hui dans le remarquable documentaire « les archives de Brussels By Night (37') que lui ont consacré Michel Apers et Erik Martens. 

Marc Didden après avoir étudié le théâtre au Ritcs à Bruxelles, devient journaliste à l' Humo, un hebdo de télé flamand où il s'impose rapidement comme un spécialiste aux avis autorisés en matière de journalisme rock et pop. Il démissionne du magazine en 1979 pour se consacrer à plein temps au scénario de Brussels by Night qui sera son premier long métrage. Erwin Provoost qui avait collaboré avec lui à un documentaire sur le phénomène punk, Demain je danse le pogo, fonde, pour les besoins du films, «Multimedia», sa maison de production. Le montage financier s'avère difficile à cause du sujet du film qui n'a rien d'accrocheur pour un public qui ne cherche au cinéma que la distraction. Le film se tourne, avec peu de moyens (en 16mm) entre fin novembre 1982 et début janvier 1983. 

"Road movie urbain", comme le qualifie son réalisateur, le film raconte les déambulations dans Bruxelles d'un homme qui vient de supprimer sa famille et qui, en jouant avec son arme à la roulette russe, a raté son suicide de peu. C'est donc désespéré et avec un regard d'une acuité peu banale que Max (François Beukelaers), erre dans Bruxelles. Si les bandes de jeunes punks n'envahissent pas l'écran c'est qu'ils ne sont que le look de leur philosophie. Max à 40 ans mais pense comme eux : dans cette société "no future", il tente des provocations qui se heurtent à l'indifférence des zombies qui l'entourent. Il rencontre un ancien collègue de travail, Alise, une serveuse et Abdel, un conducteur de tram. Le film se terminera, on ne vous dira pas comment, au plan incliné de Ronquières. Le film connut un succès inespéré lors de sa sortie en salles, tant en Belgique qu'à l'étranger.

Brussels By night respire l'air du temps. Marc Didden a su en capter les signes, l'atmosphère, l'ambiance. Il n'est pas exagéré de dire que Brussels By night marque une rupture avec la tradition du cinéma flamand ne fût-ce qu'en faisant de Bruxelles un décor de cinéma urbain comme peuvent l'être Paris ou Rome dans un film français ou italien. 


Restauration 

Le film en pellicule argentique a été restauré au cours du processus de numérisation. Brussels by night a été « gonflé » pour sortir en salles (kinescopage du super 16 en 35mm. Un internégatif en 35mm a été réalisé qui a servi pour le DVD, le négatif caméra original ayant été perdu. L'étalonnage, la correction couleur ont été supervisés par Marc Didden et Willy Stassen, le Chef op. L'instabilité de l'image ayant été corrigée par logiciel et l'équipe de Ace Digital House en ont réalisé la restauration numérique. Tous ces efforts n'on pas été vains, la qualité de l'image est digne des meilleurs DVD remastérisés. 

Bonus Les Archives de Brussels by night, documentaire (37')

Ce documentaire, réalisé par Michel Apers et Erik Martens sur la genèse du film, est l'un des plus passionnants, dans la série Chronique du Cinéma flamand 1955-1990, que la Cinémathèque Royale de Belgique ait conçu. Il raconte les péripéties qui ont amené Marc Didden à se transformer de journaliste en cinéaste à travers des entretiens avec François Beukelaers, Amid Chakir, Ingrid De Vos, Dominique Deruddere, Guy Mortier, Erwin Provoost, Willy Stassen, Ludo Troch et le témoignage de Marc Didden, le maître d'oeuvre du film. 

Deux courts métrages 

De smeerlappen de Frank Van Passel, un film dans lequel Marc Didden joue le rôle de l'un des deux protagonistes.

Cheb
, un film que Marc Didden a réalisé en 2000.  


 

Entretien avec Marc Didden

Cinergie : Pensez-vous que l'édition en DVD de votre film lui offre une seconde vie vingt ans après sa sortie en salles ?
Marc Didden : Je ne sais pas. Même à l'époque, en 1983, je n'ai jamais pensé que Brussels By Night  aurait une vie après le tournage. Mais le film a fait son bout de chemin. Quelques prix, ici et à l'étranger. Quelques grands festivals. Quelques télévisions (jamais la RTBF, hélas !) Mais au moins le film a existé. Le fait que le DVD soit là me rend heureux, parce que pendant au moins dix ans il n'a pas été disponible pour les (jeunes) gens qui voulaient le voir. En ce sens, oui, on peut parler d'une seconde vie. Bien qu'aujourd'hui, je pense moins à Brussels By Night qu'à mon prochain film.

 

C. : Pensez-vous atteindre, avec ce support, un public différent de celui qui fréquente les salles ?
M. D. : Oui. On rencontrera les adeptes du home cinéma sans doute, un concept que je déteste d'ailleurs, car je suis de ceux qui pensent qu'il faut voir un film dans l'obscurité, entouré de quelques amis et d'un tas d'inconnus. Je suis surtout content que le DVD soit disponible dans quelques bibliothèques et les médiathèques. Et que les enseignants, s'ils le veulent, puissent parler de ce petit film fait à Bruxelles au 2Oe siècle. Et que les petits-enfants, que je n'ai pas, puissent le montrer à leurs petits amis.

 

C. : Le bonus permet d'offrir au spectateur le contexte dans lequel le film s'est fait. Etes-vous pour la diffusion d'un making off, d'entretiens avec les réalisateurs ou acteurs. Ce qui permet de revenir au film après-coup?
M. D. : Je crois comprendre que dans le monde du DVD, et parmi les gens de la "presse DVD" le nombre et la qualité des bonus est un sujet de conversation important. Moi, quand il m'arrive de regarder un DVD, je ne regarde jamais les bonus, parce qu'il n'y a que le film même qui m'intéresse. Tout comme je ne lis pas d'articles de presse sur le cinéma. Mais je comprends que beaucoup de gens exigent quelque chose d'extra quand ils achètent un DVD. Et dans notre cas il s'avère que ces extras ont été très soignés. Trois bandes annonces, deux courts métrages et un très bon documentaire.

 

C. : Le bonus permet d'insérer des scènes inédites, coupées au montage. Cela vous paraît-il intéressant ?
M. D. : Pas du tout. Si elles ont été coupées, c'est qu'il y avait une raison. Ça me semble même assez prétentieux qu'un réalisateur pense que les déchets d'un film soient intéressants.

 

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