Gagnante du prix FIPRESCI des critiques de cinéma internationaux à Cannes en 2022, le premier long métrage d'Emmanuelle Nicot met en lumière le processus de reprise de possession de son corps et de son esprit d'une jeune adolescente victime d'inceste paternel. Cette réalisatrice belge fait preuve de force et de justesse en abordant la thématique complexe de l'emprise parentale et du placement en foyer.
Dalva de Emmanuelle Nicot
Publié le 22/03/2023 par Malko Douglas Tolley / Catégorie: Critique
La première scène de Dalva dévoile la fin du calvaire d'une jeune fille de 12 ans avec l'arrestation de son père par les forces de l'ordre. Une fois qu'elle est placée dans un foyer d'accueil, la trame se concentre dès lors sur le quotidien et la reconstruction progressive de la petite Dalva.
La performance de la Bruxelloise Zelda Samson, 12 ans, au moment du tournage, épate par la qualité et la justesse des émotions dégagées. La jeune héroïne de Dalva a d'ailleurs reçu le prix de la révélation de la Fondation Louis Roederer à la Semaine de la critique (section parallèle du Festival de Cannes). Alors qu'on aurait pu très facilement tomber dans un surjeu dérangeant et peu crédible, comme c'est parfois le cas avec les jeunes comédiens, l'interprétation de Zelda transpire l'authenticité. Sa révolte, son incompréhension, ses angoisses, sa naïveté, sa prise de conscience, chaque sentiment suscite une prise de conscience tout en provoquant des émotions fortes comme la colère, la joie, la compassion ou le dégoût.
Le rôle de l'éducateur référent de Dalva au sein du foyer est dévolu à Alexis Manenti, un comédien et scénariste français qui s'est fait remarquer positivement suite à sa performance dans Les Misérables (2019) de Ladj Ly. La relation sincère qui se développe entre elle et lui est une des clés de la réussite du film. La prouesse d'Emmanuelle Nicot est d'arriver à rendre compte de la charge mentale énorme que représente ce métier dans les foyers. Elle souligne aussi par la même occasion la complexité des relations qui naissent entre les deux protagonistes.
Enlevée et élevée pour devenir la petite femme de son papa abuseur, Dalva n'a aucun repère dans le monde réel. Habillée en madame, rouge à lèvre à gogo, sexuée dès son plus jeune âge, la petite confond sexe et amour. La jeune fille est persuadée qu'elle doit séduire pour trouver sa place dans le monde.
Si le sujet est lourd et pesant par moments, l'apport de Fanta Guirassy est vital. Cette jeune comédienne française procure une grande bouffée d'air au film en arrivant à faire sourire sans pour autant manquer de sincérité dans son jeu. L'amitié qui se noue entre les deux jeunes comédiennes apporte une bonne dose de légèreté à ce film poignant.
Très belle réussite que ce Dalva d'Emmanuelle Nicot qui n'en était pas à son coup d'essai dans cet univers puisque son court métrage, A l'arraché (2015), mettait également en lumière une puissante amitié entre deux jeunes qui partagent une chambre dans un foyer d'accueil. Elle a d'ailleurs fait une immersion de plusieurs semaines dans un centre d'accueil pour adolescents dans le nord-est de la France : « A chaque fois, ce qui m'a frappée, ça a été de découvrir des enfants qui étaient encore sous l'emprise de leurs parents, qui continuent de faire bloc avec eux, qui sont contre la justice et dont la plus grande souffrance était d'avoir été placé en foyer », explique-t-elle à ce propos lors d'une interview au festival du Film d'Arras. C’est de cette manière qu'est née en elle l'idée de ce film qu'elle a mis plus de quatre ans à écrire : « Je me suis dit qu'il y avait un film à raconter sur ce qu'il se passe pour un jeune juste après le placement ».
Dérangeant, tendre, amusant, léger, sérieux, Dalva est tout à la fois.
