Illustration Gwendoline Clossais
Domicile fixe
Gentiment attablé dans une brasserie d’un assez joli standing, un homme un peu ventripotent, bien avenant, chemise-cravate un peu relâchée de rigueur, le regard clair mi-figue mi-raisin affublé de lunettes, face à un cocktail pas encore entamé, se confie à un couple d’amis. Ils le regardent l’air à peine surpris d’apprendre qu’il a un SDF en face de chez lui comme principale curiosité dans sa vie. C’est qu’en cette période, il semble que les « sans domicile fixe » s’agglutinent ici et là. Un jeu de mots bien choisi et quelques rires plus tard, l’homme s’inquiète de la sédentarisation du SDF auquel il semble accorder une importance particulière, notamment pédagogique. Nous irions au zoo que nous ne ferions pas autrement. Expliquer aux enfants la nature de l’animal, son comportement, ses difficultés inhérentes à son milieu de vie sont autant d’éclairages pour le regarder avec empathie et un peu d’affection. C’est sans compter que s’il y a un côté nord par rapport aux grillages, en l’occurrence ici ce sont des fenêtres, ultimes protections face à la rue, il y a un côté sud. Au point que nous ne pourrions plus dire exactement qui observe qui. Le voisin le plus récemment installé s’interroge lui-même sur son environnement social. Il a lui aussi ses bourgeois auxquels il peut accorder une sympathique attention, les jugeant « pas trop, ni trop peu ». En somme, les autres et lui se trouvent idéaux sans en faire des tonnes. C’est qu’il ne faudrait pas trop s’impliquer tout de même de part et d’autre pour ne pas risquer de mettre à mal cet équilibre fragile, dans une rue pas mal fréquentée.