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La trilogie chorégraphique d’Arnaud Demuynck

Publié le 13/02/2007 par Marceau Verhaeghe / Catégorie: Critique
La trilogie chorégraphique d’Arnaud Demuynck

De la danse au crayon


Le cinéma est art de l'image, mais aussi du mouvement. Quoi de plus naturel donc qu'il entretienne, depuis sa naissance, des rapports particuliers avec la danse, où l'émotion s'exprime précisément par l'attitude et le mouvement. Dans les tentatives de synergie entre danse et cinéma, la Belgique a apporté sa pierre de fort belle façon, notamment ces dernières années, grâce au travail de Thierrry de Mey, Thierry Knauff et Wim Vandekeybus. En animation, et si l'on excepte les "comédies musicales" façon Disney, ce thème est plus rarement abordé. D'où l'intérêt de l'expérience menée, depuis quatre ans, par Arnaud Demunyck et qui l'a conduit à réaliser une "trilogie chorégraphique" composée de Signes de vie, A l'ombre du voile, et tout récemment L'Evasion qui commence ces jours-ci sa carrière publique. 
Trois dessins animés à l'univers graphique assez diversifié qui abordent par le biais de la danse des thématiques assez dures : le deuil pour Signes de vie, la cohabitation, l'intégration et l'identité pour A l'ombre du voile, et l'enfermement et l'oppression pour L'Evasion. Chaque fois, une petite introduction non dialoguée permet de situer l'histoire dans son contexte, avant que le film ne parte sur la danse comme vecteur privilégié de l'émotion. Et Arnaud Demuynck de démontrer avec brio que des émotions non mises en mots mais exprimées par le corps peuvent passer avec une profondeur et une sensibilité que, du point de vue du réalisateur, seule l'animation et la danse pouvaient permettre.
"Je ne sais pas danser, mais je suis par contre très sensible au travail de certains chorégraphes", explique Arnaud Demuynck. "En allant voir un spectacle de Cyril Viallon, le chorégraphe de Signes de vie, j’ai eu une émotion très forte que j’ai mis du temps à identifier. Finalement, j’ai compris que cette émotion avait un rapport au deuil. Ce n’était pas du tout ce que Cyril avait voulu exprimer, mais, puisque je le ressentais ainsi, il m’a autorisé à me réapproprier son écriture pour mon film. On a donc retravaillé en fonction de ma mise en scène, on a revu les axes avec un caméraman vidéo, on a monté la danse et on a filmé le tout. Pendant ce temps, les dessinateurs faisaient des croquis. Ensuite, on a fait la recherche graphique. La vidéo a été montée par Anne-Laure Guégan en fonction de mon découpage, et les dessinateurs se sont inspirés de ce montage. Cette méthode ayant donné pleine satisfaction, je l’ai réutilisée pour les deux autres films. Les trois sont donc partis d’une chorégraphie existante qui me touchait particulièrement, et qui a été retravaillée en fonction de mon écriture scénaristique".
"La danse est un facteur d’expressivité universel. On a tous un corps, et on l’utilise tous peu ou prou de la même façon. Avec empathie, on peut reconnaître et se réapproprier les gestes d’un danseur. Intuitivement, on peut exprimer ,à travers ses mouvements, des émotions beaucoup plus brutes et profondes, car elles  ne passent pas par l’intellect. Cela fonctionne sur une scène, mais la révélation de Signes de vie pour moi, est que cela fonctionnait également à travers un film d’animation, le dessin, épuré, allant directement à l’essentiel de ce que le mouvement pouvait exprimer".  

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