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Les Poings serrés de Vivian Goffette

Publié le 07/02/2024 par Malko Douglas Tolley / Catégorie: Critique

Nominé aux Oscars pour son premier court-métrage en “live action animation” intitulé La Carte postale en 1998, Vivian Goffette revient au FIFF avec un nouveau long métrage après avoir été nommé au Magritte du meilleur premier film en 2015 pour Yam Dam (2013). Ce réalisateur pétri de talent propose avec Les Poings serrés, un film anxiogène qui prend aux tripes en suscitant une ribambelle d’émotions.

Les Poings serrés de Vivian Goffette

En plongeant le spectateur dans la peau du petit Lucien, 11 ans, interprété par le jeune Yanis Frish, Les Poings serrés lève le voile sur les conséquences du syndrome d’aliénation parentale (SAP). Alors que son père pédophile et incarcéré exerce une manipulation psychologique à distance sur le petit Lucien, la vie de cette famille meurtrie rebascule progressivement dans le cauchemar.

Grâce à une intrigue réfléchie et à un rythme soutenu, la tension est présente du début à la fin du film. Loin de laisser indifférent, ce récit provoque de la stupeur et surprend par son réalisme. L’engrenage infernal dans lequel se trouve la maman de Lucien, jouée par Lucie Debay, est effrayant et révoltant. Que ce soit à l’école ou à la maison, les choix du petit Lucien dictés par son psychopathe de père, Laurent Capelluto, vont avoir des conséquences néfastes sur l’ensemble de ses proches.

Dès lors, le spectateur reste impuissant face à cette spirale infernale qui ne cesse d’évoluer et de s’amplifier à chaque fois que Lucien rend visite à son paternel dans le parloir. Si le monstre du film n’est pas compliqué à identifier, c’est également la bêtise populaire et la méchanceté des gens qui interpellent.

Les rôles de la jeune Lies, meilleure amie de Lucien, dévolu à Mila de Mol, et celui du menuisier flamand Freddy, joué par l’attachant Wim Willaert, permettent au spectateur de garder une once de confiance dans l’Humanité. Alors que la plupart des protagonistes du film sont des écorchés vifs, des imbéciles ou des pervers, ce duo père-fille confère un équilibre nécessaire entre les moments d’espoir et de désespoir. Ce mélange de scènes de tensions poussées à leurs paroxysmes et d’épisodes beaucoup plus doux et réconfortants en présence de ce duo est essentiel. Il s’agit probablement d’une des plus belles réussites de ce film captivant de bout en bout. Mention spéciale pour cet acteur flamand qui dispose d’un naturel et d’une aura qui rappellent le chanteur Arno.  

Contrairement à de nombreuses réalisations où un premier rôle confié à un enfant entraîne un surjeu trop prononcé et une perte de crédibilité, les expressions verbales et corporelles de Yanis Frish sont très naturelles. Si le sujet est pesant et qu’il ne laisse personne indifférent dans notre royaume où personne n’a oublié l’affaire Dutroux, Les Poings serrés démontre encore une fois que le cinéma belge a le vent en poupe et que les récits courts (le film dure 1h25 générique compris) et sans concessions deviennent de plus en plus notre marque de fabrique. 

Avec un scénario crédible et bien ficelé, des acteurs de qualité et une réalisation soignée et bien rythmée, Les Poings serrés est assurément un des films belges de 2023 à ne manquer sous aucun prétexte.

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