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Soy Libre de Laure Portier

Publié le 14/09/2022 par Malko Douglas Tolley / Catégorie: Critique

Ce documentaire prolonge l’introspection familiale débutée par la réalisatrice dans L’œil du chien (2019) où elle brossait le portrait de sa grand-mère. Cette fois-ci, l’attention est recentrée sur son petit frère Arnaud qui a connu une enfance difficile (foyers d’accueil et maltraitances familiales). Un témoignage puissant qui met à jour l’inégalité des chances et la quête de sens d’un jeune homme paumé.

Soy Libre de Laure Portier

Dans Soy Libre, Laure Portier, diplômée de l’INSAS, réalise son premier long-métrage. En choisissant de mettre son petit frère au centre de l’écran, la réalisatrice nous permet de pénétrer sa sphère personnelle de manière étonnante. Arnaud se filme d’ailleurs à plusieurs reprises tout seul. Cela confère une ambiance assez particulière à ce film qui questionne les perspectives pour les jeunes qui n’ont pas eu la chance d’avoir une éducation et un encadrement familial décents.

La complicité entre frère et sœur ainsi que le suivi sur de nombreuses années rendent les témoignages d’Arnaud vraiment poignants. Nous sommes loin des discours formatés dans les documentaires sur la vie dans les cités. C’est brut, violent, dérangeant par moments. Bref, c’est authentique.

À de nombreuses reprises, on voit le malaise du jeune homme qui ne souhaite pas spécialement être filmé et qui a du mal à révéler ses sentiments. Et puis, quand les dialogues fonctionnent, on comprend ce qu’il a vécu et pourquoi la vie l’a amené dans sa situation. S’il est difficile d’approuver les choix (souvent mauvais) que ce jeune homme va prendre, on se rend également compte de la difficulté à trouver sa place dans la société moderne quand on ne dispose pas des armes nécessaires.

De Marseille à Alicante en faisant un détour par le Pérou, ce document permet de comprendre comme il est facile de tomber dans la violence ou la rébellion face à l’ordre établi quand on n’est pas intégré dans le système. Que ce soit dans des émeutes, avec son scooter à faire « le kéké » ou au chevet de sa grand-mère, ce témoignage captivant pousse à s’interroger sur le déterminisme social ainsi que les lacunes des systèmes éducatifs pour réussir à intégrer des enfants en décrochage scolaire pour donner suite à des problèmes familiaux lourds.

Malgré des moyens limités, Laure Portier possède un talent indéniable pour la réalisation avec des choix de montage judicieux et beaucoup d’ingéniosité afin de rendre ce documentaire assez dynamique. Le premier long-métrage de cette jeune réalisatrice talentueuse est vraiment une très belle surprise. Elle n’a pas craint de montrer des images chocs de son frère qui enfreint la loi à visage découvert à de multiples reprises.

À n’en pas douter, l’un des témoignages les plus authentiques sur le sujet.

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