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The Banishing : La Demeure du mal de Christopher Smith

Publié le 01/12/2021 par Grégory Cavinato / Catégorie: Sortie DVD

La Maison aux esprits

Après des débuts fulgurants qui lui avaient valu une réputation de nouveau prodige du cinéma de genre avec le quatuor gagnant Creep (2004), Severance (2006), Triangle (2009) et Black Death (2010), l’anglais Christopher Smith, petit maître de l’horreur, semblait s’être égaré depuis quelques années entre mini-série peu inspirée (Labyrinthe, 2012), comédie de Noël (Get Santa, 2014) et road movie raté (Detour, 2016).
Le voici qui retrouve de sa superbe en s’essayant au genre ultra-balisé du film de maison hantée, pour une co-production entre le Royaume-Uni et la Belgique (via le fonds
tax shelter de UMedia).

1938. Chargé par l'évêque Malachi (John Lynch, plus intense que jamais) de redonner la foi au village de Morley, en Angleterre, le révérend Linus (John Heffernan) s'installe dans un presbytère à l’abandon avec son épouse, Marianne (Jessica Brown Findlay), et leur petite fille, Adelaïde (Anya McKenna-Bruce). La communication entre les époux s’avère difficile : Linus est persuadé que le plaisir charnel est un péché et son abstinence sexuelle lui fait craindre que sa femme le trompe. Le mystérieux Harry Reed (Sean Harris, qui s’en donne à cœur joie dans un rôle grandiloquent), un occultiste excentrique adepte de magie noire – ou un charlatan, selon les opinions, raconte aux époux qu'un prêtre a autrefois assassiné sa femme dans le manoir, dans un geste de folie inexpliqué. Une révélation qui perturbe la famille : Linus a des hallucinations de Marianne en plein adultère, tandis qu’Adelaïde a des conversations avec un être invisible qu'elle croit être sa vraie mère. Quant à Malachi, ses sympathies envers le régime nazi, en plein essor, commencent à dicter sa conduite : l’évêque découvre qu’Adelaïde a été conçue en dehors des liens du mariage et décide, par le chantage, de faire de Marianne, qui a autrefois fait un long séjour dans un hôpital psychiatrique, sa marionnette. Tous ces personnages se retrouvent confrontés aux secrets de la maison et à ses fantômes.

 

The Banishing

 

Chez Smith, c’est le style, plus que l’originalité du récit, qui fait toute la différence, entre classicisme et inventivité visuelle permanente. Les films de possession et de maisons hantées étant légion, le cinéaste soigne l’allure de son septième film à grand renfort de caméra aérienne et d’éclairages tamisés, lui conférant une étrangeté inhabituelle, un aspect onirique « flottant » ainsi qu’une angoisse diffuse. Le presbytère devient une forteresse gothique dont les caves réservent des surprises macabres qui ne sont pas forcément celles auxquelles on s’attend. Si l’intrigue, parsemée d’ellipses brutales, s’égare parfois entre différentes trames narratives, les thématiques abordées s’avèrent passionnantes, notamment ce parallèle établi entre le régime fasciste et l’idéologie religieuse, via l’hypocrisie et la violence des membres du clergé, évêques fascistes ou moines lubriques... The Banishing est aussi une œuvre féministe, un peu anachronique, mais sincère. Dans un grand geste libérateur, Marianne, l’héroïne complexe et tourmentée, rejette violemment son statut de simple femme de curé, juste bonne à rester au foyer pour élever leur enfant, et va être poussée par des forces surnaturelles à venger les maltraitances médiévales dont les anciens occupants de la demeure s’étaient rendus coupables envers une très jeune femme.

Certes, nous ne sommes pas ici au niveau d’excellence d’un Guillermo Del Toro ni même d’un Alejandro Amenabar, mais ce modeste film de spectres qui privilégie une atmosphère austère et le malaise au détriment de l’horreur pure, n’aurait pas à rougir posé sur une étagère entre L’Echine du Diable et Les Autres !