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The deep house de Alexandre Bustillo et Julien Maury

Publié le 27/04/2022 par Grégory Cavinato / Catégorie: Sortie DVD

Immondes engloutis

Tina et Ben, un couple de YouTubers new yorkais (incarnés par le mannequin Camille Rowe et James Jagger, le fils de Mick) passionnés d’urbex (exploration urbaine) se rendent dans le Sud-Ouest de la France, en Occitanie, où un village entier repose au fond d’un lac artificiel. Dépités de constater que le site convoité est devenu une vulgaire attraction touristique, ils acceptent de suivre un autochtone trop louche pour être honnête (Eric Savin), qui leur propose de les emmener quelques kilomètres plus loin, sur une partie du site plus reculée et inconnue du grand public, où ils pourront plonger et visiter une antique demeure reposant sous les eaux depuis 1984. Une fois à l’intérieur, l’immense maison se referme immédiatement sur le couple et nos plongeurs du dimanche se retrouvent incapables de remonter à la surface, prisonniers d’un édifice qui fut autrefois le siège d’une sordide malédiction familiale. Ils découvrent une pièce remplie de symboles sataniques ainsi que deux cadavres enchaînés dans une salle de torture. Bientôt, ils entendent des voix et leurs capteurs de mouvements s’affolent. Alors que leurs réserves d’oxygène s’amenuisent, ils découvrent qu’ils ne sont pas seuls et comprennent qu’à moins de trouver rapidement une sortie, ils risquent de sombrer dans les abysses du lac maudit…

The Deep House

 

Le défi était de taille : combiner film de maison hantée et de plongée sous-marine, tout en utilisant les codes archi-rebattus du found footage. Or, Alexandre Bustillo et Julien Maury ne sont jamais les derniers pour tenter, bon an mal an, de réinventer un genre avec les moyens du bord. Si The Deep House, une co-production franco-belge, est le sixième long métrage du duo cinéphile, il est également le troisième situé dans une maison hantée, après À l’intérieur (2007) et Livide (2011). L’urbex – l’exploration de lieux abandonnés riches en histoire – se prête à merveille à l’exercice du genre horrifique (comme l’avait déjà démontré l’amusant Urban Explorer : Le Sous-Sol de l’Horreur, de l’allemand Andy Fetscher, présenté au BIFFF en 2011), mais également à l’utilisation des nouvelles technologies et des réseaux sociaux. Ici, nos malheureux héros, accompagnés d’un drone sous-marin, se filment et commentent leurs exploits en permanence pour leurs abonnés, tels des Philippe de Dieuleveult des temps modernes, avec la même scoumoune qui leur colle aux fesses. Le côté immersif et le sentiment d’angoisse constant se trouvent ainsi décuplés. Mais outre l’impressionnante prouesse technique d’un tournage à 90% aquatique, c’est surtout le décor fascinant et l’atmosphère putride du récit qui marquent les esprits.

 

The Deep House

 

La maison piégée qui emprisonne des intrus n’est certes pas un concept novateur et l’évolution très classique du récit n’est, de toute évidence, pas le point fort de The Deep House. Mais les cinéastes pallient leurs faiblesses d’écriture par une mise en scène inventive et inspirée, qui ne se résume jamais à une simple démonstration technique, mais surtout par une imagerie surnaturelle originale (des cadavres gonflés par l’humidité qui ressuscitent et pourchassent les intrus à la nage) qui ramène aux grandes heures du cinéma malsain du maître Lucio Fulci et évoque la joie de tourner qui animait certains films d’horreur français artisanaux des années 70/80. L’héroïne est belle et sensible, son compagnon arrogant et un peu pénible, l’atmosphère est étouffante, les scènes de panique efficaces et le suspense (concrétisé par les jauges d’oxygène qui ne cessent de diminuer) fonctionne à merveille. Si le résultat reste prévisible dans sa narration, on ne peut qu’applaudir l’originalité de la proposition et l’ambition folle de cette petite série B bien méchante, parfaite pour le samedi soir, qui détonne au sein du petit monde assoupi du cinéma de genre français.

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