Pour la remise des prix de jeune critique cinéma, Cinergie a acceuilli les lauréats au BIFFF. Nous avons pu discuter autour d'un verre et procéder à la remise des cadeaux. Chaque lauréat a reçu une série de DVDs belges et un pass donnant accès au Belgian Film Day. La lauréate du concours a gagné 5 jours au festival de Cannes. Voici les noms des 5 lauréats : Marine Fornasari (notre gagnante), Lucien Halflants, Anaïs Demunck, Manon Jacob et Sylvain Lemettre.
Si vous désirez lire ou en savoir plus sur les critiques de chacun, Cinergie les met à votre disposition.
Tokyo fiancée. Critiques des quatre lauréats
Tokyo Fiancée de Stefan LIberski
Si Amélie a choisi de retourner vivre au Japon malgré sa nationalité belge, c’est qu’elle a grandi dans cette culture, cet exotisme, dans cette bulle qu’elle réinvestit aujourd’hui, des années plus tard, comme un amour perdu et retrouvé. A vingt ans, elle gagne à nouveau sa véritable patrie, là où les grandes choses sont minuscules et les petites, immenses. Le Japon c’est son fantasme, sa solitude, sa liberté. Elle y pétillera, y (re)découvrira les odeurs, les goûts, les sensations… Mais surtout, elle y enseignera le français, sa langue maternelle, à un élève unique, bientôt son amant. Au Japon, Amélie aimera et se verra aimée.
Une voix ouvre le film. Une voix off, charmante mais indigeste. On entend les mots de Nothomb dans la bouche de l’actrice. Lourds, ils défilent à l’écran. Difficile de pénétrer le métrage tant l’écrivaine s’entend et se devine dans le code de jeu outré de Pauline Etienne. La jeune femme est marginale, pétillante mais surtout irritante. L’entame est pénible. Pas de rires, peu de sourires. Les tentatives poétiques des textes s’écroulent et celles plus visuelles (voix-off imagée de manière littérale…)ne parviennent ni à voler, ni à tomber. A peine existent-elles. En somme, peu de cinéma dans cette pesante première partie. Seul Tokyo dépayse le regard. Dans un geste voyeur et intéressé, nous prenons plaisir à investir les banlieues entassées au calme de surface.
Après les mots écrasants, les improbabilités scénaristiques et les running gags sur la belgitude de l’héroïne, (bières, frites, etc…) le film mue. Alors s’engage la clarté romantique moins faussement ambitieuse (ou d’une ambition échouée)mais tellement plus douce et enivrante. On pourrait comprendre une scène clef comme le point de rupture du récit : après l’amour enfin consommé arrive une improbable chanson, l’absurdité du cinéma de Stefan Liberski dans toute son ampleur explose à l’intérieur d’un appartement aseptisé avec vue géométrique sur un monde qui ne l’est pas moins. Une déflagration qui ouvre (non sans un certain mauvais goût) le film à ce qu’il sera vraiment : un récit d’amour multiculturel sur fond de recherche existentielle. Ainsi s’oublient l’ennuiet les vaines offrandes des débuts.
Souvent, le couple s’allonge, se couche, fait l’amour. Pour la beauté du geste, pour une idée de cinéma. C’est beau, émouvant, la musique en plein lyrisme n’y est pas étrangère. La ritournelle en devient presque systématique et les corps se mêlent et se séparent mais jamais ne se ressemblent.Certaines choses ne changent pas. Nous restons le produit physique (sinon idéologique) de l’endroit où nous sommes nés. Plus le film avance et plus les idées visuelles se font présentes,elles grandissent à l’instar de l’inspiration du cinéaste, de ses propos, de son art. On retiendra, par exemple, une étonnante et solitaire escapade dans les montagnes enneigées. Ou quand la recherche d’un chemin moral, spirituel se transforme en lutte pour la vie, contre le froid.
Sans jamais arriver à laisser exploser sa substance, cette liberté, cette joie que le film contient, il laisse poindre quelques jolis instants dont vingt superbes minutes en milieu de film. Quelques scènes empreintes de liberté et de mouvement en opposition avec une société japonaise statique. Pauline Etienne, sans jamais transcender son jeu, affine son charme et son sourire qui – même cabotin – enchante le cœur, la pellicule. Et c’est bien là un grand intérêt du cinéma.
Puis le film s’éteint dans un élan gracieusement cynique. Prendre le pas sur la vie avant qu’elle ne nous brusque. Faire les bons choix avant que ne s’impose la fatalité. Ici, une catastrophe que nous tairons. Une force naturelle qui rassemble les opposés, « les liés » par l’amour. La peur, comme tout sentiment, se partage mais ne peut que se vivre seul. Alors l’abandon se fait indispensable. Un abandon pour autre chose, pour un suivant. La vie en état de permanent recommencement. Et c’est bien là ce qui transcende le film : l’immuabilité des sentiments impossibles, en amour, rend les choses toujours plus belles et par dessus tout universelles.
Lucien Halflants
TOKYO FIANCEE Quand le rêve rencontre la réalité
Jeune fleur en quête d’un enracinement pour enfin s’épanouir, Amélie, occidentale de 20 ans, cherche à renouer avec le pays qui l’a vue naitre. C’est au cœur d’un Japon partagé entre tradition et modernité, pudeur et extravagance, rêve et réalité, que Stéphan Liberski signe son troisième long métrage : une belle comédie, pleine de charme.
Dans ce film, le blanc et le noir ne se séparent pas mais forment un tout, à l’unisson, pour enfin donner une comédie dramatique, presque aux couleurs de la vie.
À travers une romance entre la pétillante Amélie et un japonais passionné du nom de Rinri, on découvre une métaphore poétique et délicate sur les liens qui lient un être à son univers, au fil d’un voyage initiatique d’une grande douceur.
L’histoire, tirée du roman « Ni d’Eve, ni d’Adam » d’Amélie Nothomb, constitue une sorte de fable au caractère intemporel sur la fascination existant entre l’Orient et l’Occident. Le personnage d’Amélie reste fidèle à son auteure, tout en excentricité, tombant quelques fois dans la caricature de celle qu’elle représente : haute en couleurs, l’œil vif, toujours des choses à dire et d’autant plus à penser, en pleine libération sexuelle et dans une quête perpétuelle de nouvelles sensations. Notons également que l’adaptation a été resituée dans le temps : le récit original se déroulait dans les années 80; il se retrouve projeté presque trente ans plus tard, en plein XXIe siècle. Nous pouvons alors découvrir des références au Tsunami de 2009, voir les protagonistes manger avec des baguettes en forme de sabres lasers ou encore s’essayer à la fondue au fromage faite en plastique synthétique… Toutes ces choses qui nous permettent d’actualiser le récit et de ressentir sa résonance plus profondément en nous. Cette actualisation témoigne de l’évolution du Japon, de sa nouveauté autant que de sa capacité à garder ses traditions et son âme.
Tout en finesse, les premières images nous dévoilent une jeune femme insouciante, qui aime les couleurs vives et rêve de devenir, non seulement « un vieux sage japonais, vénérable et respecté » mais également une écrivaine, et, si possible, de talent. Parfaite dans ce rôle, Pauline Etienne nous entraine dans un univers à la fois enfantin et empreint d’une certaine maturité. Professeur de français, elle tombe amoureuse de Rinri, son seul et unique élève, interprété avec pudeur et brio par le jeune Taichi Inoue. C’est par lui qu’elle découvrira le « nouveau Japon », il se reflétera à travers le garçon, à la fois pudique et extravagant, qui, un jour, emmène tout naturellement sa conquête dans un bar de strip-tease et, le lendemain, la présente à ses amis lors d’un souper traditionnel.
Amélie se rend compte que la fascination que le Japon exerce sur elle est la même que celle que le Japonais porte à l’Occident. Elle aime Rinri car il est japonais et il l’aime car elle est occidentale. En effet, plus sa relation avec Rinri avancera, plus elle se rendra compte qu’elle ne pourra jamais tout à fait le cerner, il reste en lui cette part de flou, incompréhensible pour qui n’est pas japonais. Son rapport au Japon évoluera en parallèle avec son rapport à Rinri. C’est sous cette dualité que se construiront le film, et sa personnalité adulte.
Ensuite, comment ne pas prêter attention à la narration qui, dès le début, s’ancre dans la subjectivité de l’héroïne ? Nous avançons dans les rêveries de son esprit, grâce à l’apparition de scènes de théâtre No, destinées à révéler le for intérieur de la jeune femme. L’ascension du Mont Fuji, véritable tournant pour l’héroïne, nous entraine dans les métaphores de son esprit : sauvage, fugace, en pleine ébullition, il lui faut une tempête pour enfin voir sa route se dégager et pouvoir avancer dans sa quête d’identité. C’est une histoire en deux temps qui nous est contée : le premier, doux et rêveur, nous expose la vision idyllique du « premier Japon » d’Amélie. Le deuxième temps, plus porté par la désillusion, nous ouvre les champs du « second Japon » d’Amélie : celui auquel elle ne pourra jamais appartenir totalement.
Si le scénario est déjà agréable, la beauté de cette œuvre réside certainement dans la construction des images d’Hichame Alaouié, qui joue de contrastes et d’harmonies pour nous offrir un Japon étincelant de mystères colorés. Ainsi, nous découvrons un pays plus vivant que jamais, en plein renouveau, et qui pourtant semble se situer dans un univers parallèle où, malgré le passage des siècles, rien ne changera réellement, car l’essence japonaise se veut immortelle. Les couleurs acidulées et chatoyantes côtoient des gris sombres et des blancs crus qui évoluent au même rythme qu’Amélie. C’est ainsi que se développe un symbolisme très marqué, donnant des clefs de compréhension sans passer par les dialogues : le cinéma a d’autres moyens d’expression que la littérature.
Cependant, Tokyo Fiancée nous laisse un peu sur notre faim. Il promet une réflexion sur une quête d’identité mais frise parfois la légèreté. Le film s’arrête souvent à la surface des situations qu’il met en scène. De plus, certains personnages secondaires se réduisent à des rôles de figurants, à l’image de la mère de Rinri dont la profondeur aurait peut-être pu être plus développée (le silence en dit parfois moins que les mots). Il n’en reste pas moins que c’est avant tout une comédie : n’attendons pas trop de ce film, il comblera tous nos désirs si nous nous nous en tenons à la philosophie d’Amélie : ce sont les plaisirs simples qui sont les plus savoureux.
Anaïs De Munck
Tokyo Fiancée, métamorphose d’une maiko en geisha
Tokyo Fiancée raconte le voyage initiatique d’une muse belge au pays du Soleil levant. A l’image d’un conte onirique illustré d’estampes japonaises – mention spéciale pour le travail remarquable de la chef costumière Claire Dubien – le film de Stephan Liberski nous emmène ailleurs, à la découverte de l’autre et plus encore, à la découverte de soi.
Pauline Etienne tient le personnage d’Amélie, une jeune femme dans la fleur de l’âge en quête d’évasion. Amélie a grandi en Belgique mais se sent Japonaise. A 20 ans, elle décide de retourner dans son pays de cœur où elle a vécu durant les cinq premières années de sa vie. Elle s’envole alors pour Tokyo et pense bien y élire domicile afin de devenir une vraie Japonaise. Au détour de quelques cours particuliers de français qui contribuent à financer son séjour, Amélie croise le chemin de son seul et unique élève, Rinri (Taichi Inoue). Démarre alors un chassé-croisé amoureux entre deux cultures. Rinri et Amélie se cherchent, s’apprivoisent mutuellement par l’apprentissage de la langue et des coutumes de l’un et de l’autre. La jeune femme gouttera, au cours de son voyage, à la dualité des plaisirs charnels et d’un amour chimérique. Ce qu’elle pensait être un aller-simple pour Tokyo se révélera être la première page de son histoire.
Le Tokyo de Stephan Liberski a quelque chose de burlesque, tant par le rose bonbon des effigies d’Hello Kitty que par les plans spectaculaires du mont Fuji. Liberski offre une vision colorée de Tokyo, quoiqu’un tantinet superficielle par moments. L’enchaînement des séquences renforce le côté fantasque du film et lui confère une dynamique assez intéressante dans l’ensemble. La scène de la reprise de la célèbre chanson de Sandra Kim, kitsch à souhait, prête tout de même à sourire. L’humour subtil du réalisateur se traduira davantage dans les scènes intimes entre les deux personnages principaux. Le regard de l’autre, le choc entre civilisations, la peur de l’inconnu sont autant de thèmes abordés dans cette histoire d’amour hors du commun.
Quant à la l’adaptation du roman d’Amélie Nothomb par le réalisateur, elle est réussie. En comparaison, Stupeur et Tremblements, premier roman de l’écrivaine adapté au cinéma en 2003 par Alain Corneau, dépeint un Japon bien morne, sans relief ni couleur. Grâce à Tokyo Fiancée, le style Nothomb retrouve de son éclat et de son extravagance sur grand écran. Doublé d’une voix off fortement inspirée de la plume de Ni d’Eve Ni d’Adam, le film s’impose au public comme une évidence.
Les deux acteurs principaux se partagent la réplique à merveille et forment un duo attendrissant. On est d’ailleurs un peu triste de devoir s’en défaire lorsque vient la fin du film. Pour une première au cinéma, la performance de Taichi Inoue est impressionnante de justesse. De son côté, Pauline Etienne incarne à la perfection la Nippone débutante qui cherche à comprendre une civilisation qu’elle a trop longtemps fantasmée. Mutine, solaire, d’une allégresse spontanée, elle s’épanouit au gré du film pour briller de son plus bel éclat jusqu’à la dernière séquence. On pourrait finalement percevoir dans Tokyo Fiancée, l’histoire d’une double métamorphose – thème d’ailleurs récurrent dans l’univers cinématographique de Liberski. La première, celle d’une jeune fille un peu paumée dans des paysages nippons trop grands pour elle en une femme maîtresse de son destin, capable de gravir une montagne. La seconde, celle d’une actrice encore fragile en une comédienne de talent promise à une carrière heureuse. On connaissait Pauline Etienne dans un registre plus sombre (Le Bel Age, Eden, La Religieuse), elle s’ouvre désormais à la lumière. Et cela lui va si bien ! Dans Tokyo Fiancée, l’actrice maîtrise son art, pourrait-on dire, à la manière d’une maiko devenue geisha…
Manon Jacob
Tokyo Fiancé
Le Japon. Un ailleurs où tout nous est d’autant plus étranger qu’il a quelque chose de familier. Un monde proche et lointain à la fois, qui garde toujours quelque chose d’insaisissable. Le raconter passe donc forcément par une forte subjectivité. D’où la fascination des cinéastes étrangers pour ce territoire et cette culture : après que trois réalisateurs français et coréens (Gondry, Carax et Joon-Ho), puis l’iranien Kiarostami, aient exposés leur vision du Japon dans « Tokyo ! » et « Like someone in love », c’est au tour du belge Stefan Liberski de faire de même… à travers l’adaptation de l’une des œuvres les plus célèbres d’Amélie Nothomb, « Ni d’Eve ni d’Adam ».
L’histoire est fidèle à celle du roman. Amélie est belge, bien que née au Japon, où elle a vécu jusqu’à ses 5 ans. Elle en a désormais 20 et plus aucun doute : sa place est au Japon. Aussi déménage-t-elle à Tokyo avec un aller simple. Pour faciliter son intégration, elle propose des cours particuliers de français et rencontre alors Rinri, jeune tokyoïte de son âge, issu d’une famille aisée. Après être devenu sa « maitresse » (de français), elle en deviendra l’amante. Amélie a tout pour être heureuse, et pourtant un malaise la gagne peu à peu…
« Tokyo fiancée » est un récit initiatique, conjuguant découverte culturelle, initiation amoureuse et apprentissage de soi. Liberski met en scène une quête identitaire où la construction de soi est aiguisée par la rencontre avec une culture étrangère. Le réalisateur s’appuie pour cela sur une actrice extraordinaire, à laquelle il est difficile de résister, Pauline Etienne. L’actrice porte le film du début à la fin (il n’y a pas d’autre ligne narrative que son histoire), et entre elle, si désarmante de naturel, et le spectateur, le charme opère dès les premières secondes : la complicité est immédiate.
Le regard du réalisateur Stefan Liberski sur le Japon épouse au plus près celui de son héroïne. La mise en scène nous fait partager partager l’ivresse de la découverte éprouvée par Amélie car tout, dans la société japonaise, semble matière à fascination. Le film a ce côté amusant de catalogues de surprises. Dans les extérieurs, la caméra ne cesse de happer des détails – aussi bien architecturaux, culturels, que comportementaux – où ressort notamment le balancement si typiquement japonais entre la nature et l’urbain. La superbe photographie de Hichame Alaouie, douce et colorée, transmet au spectateur l’émerveillement d’Amélie.
Cette découverte par une étrangère de la société japonaise est très souvent cocasse mais Liberski a l’intelligence et l’habileté de ne jamais verser dans la moquerie. On ne rit pas aux dépens de l’autre mais avec – à aucun moment « Tokyo fiancée » ne bascule dans le piège facile de la ridiculisation.
Les événements racontés dans ce long-métrage sont très quotidiens, et pourtant Liberski en fait de grandes péripéties romanesques. Tout est matière à fiction, affirme Amélie Nothomb. Stefan Liberski le prouve en faisant voyager son film à travers les genres cinématographiques. Ainsi, la réalisation évolue aussi bien dans le registre intimiste que dans la comédie pure, fait des écarts du côté du policier, éclate soudainement dans la comédie musicale – moment assez dingue où la joie d’Amélie fait déborder le film en-dehors de tout cadre réaliste, Pauline Etienne se lançant dans une adaptation de « J’aime la vie » de Sandra Kim… Ce voyage de la mise en scène à travers les codes narratifs est très cohérent car il apporte du dépaysement jusque dans la manière dont cette histoire de dépaysement est racontée.
Outre le passage à la comédie musicale, un autre moment marquant de mise en scène retient l’attention. Il intervient lorsqu’Amélie s’attarde dans la volupté d’une source thermale. Le jeu lumineux créé par les ondulations de l’eau, avec l’abandon de ce corps, font que le plan est très beau, mais la caméra semble s’attarder sur la nudité de l’actrice. Au moment où nait un malaise arrive soudainement une vue d’ensemble où le spectateur s’aperçoit en même temps qu’Amélie qu’elle se donnait involontairement en spectacle à un employé de la station venu ramasser des feuilles mortes. Par ce montage adroit, Liberski communique au spectateur un trouble comparable à celui qui saisit la jeune femme. Liberski excelle ainsi à nous communiquer les sensations et les sentiments de son héroïne, en mettant entièrement sa mise en scène à son service.
A l’inverse, le réalisateur déçoit à certains moments, lorsqu’il est pris par la volonté inutile de rappeler au spectateur qu’il regarde une adaptation de Nothomb. Certaines des phrases dites en voix-off par Amélie, tirées directement du roman, sont redondantes car elles disent tout haut ce que les images montraient déjà. On regrette de même que Pauline Etienne soit artificiellement grimée en l’image publique d’Amélie Nothomb le temps de séquences oniriques intervenant régulièrement tout au long du film. Certes, ces parenthèses visuelles donnent de soudaines bouffées d’air à ce film narrativement très linéaire, mais la référence à l’écrivaine est clairement surnuméraire. Quelque part, cette insistance diminue un peu le film car elle fait passer l’idée que « Tokyo fiancée » n’a pas d’autre justification qu’être l’adaptation du roman « Ni d’Eve n d’Adam » – alors que le film tient debout tout seul.
Le séjour d’Amélie à Tokyo s’achèvera au moment où, au contact de l’autre, immergée dans cette culture irréductiblement étrangère à laquelle elle échoue à s’accoutumer, elle réalisera, presque contre elle-même, que ses aspirations véritables sont ailleurs que dans cette vie en couple au Japon avec Rinri. La séparation avec ce dernier, aidée dans le film par le funeste accident de Fukushima, apparait comme une évidence douloureuse, mais elle a la beauté d’une découverte de soi et la promesse d’un accomplissement futur. Il faut découvrir les autres pour se connaitre soi-même : c’est la belle et généreuse démonstration de ce film qui ne manque pas d’intelligence.
Sylvain Lemettre