Étrange expérience que celle que nous propose Au bord du monde, nous plongeant aux côtés d’Alexia dans le quotidien d’une stagiaire dans le service fermé d’un hôpital psychiatrique. Entre idéalisme et réalité de terrain, entre violence du quotidien et tendresse des instants, le duo de réalisateur·ices Guérin van de Vorst et Sophie Muselle mettent en images une réalité peu connue du métier de soignant·e, par le biais d’une fiction qui prend le temps de l’échange.
Au bord du monde, de Guérin van de Vorst et Sophie Muselle - Rencontres d'Images Mentales

Alexia (Mara Taquin), 25 ans, se dévoile au gré des premiers moments du film comme une jeune femme volontaire et idéaliste, sans pour autant se sentir tout à fait à sa place dans ce stage qu’elle a choisi par défaut.
Dans le service de cet hôpital, elle fait la connaissance de Joëlle, l’infirmière en chef, dont l’expérience et le recul s’opposent à l’implication parfois mal dosée d’Alexia. Un état de fait qui va se compliquer lorsque Alexia rencontre Mila, une jeune patiente de 20 ans convaincue de ne pas avoir sa place dans l’établissement. Malgré les mises en garde de Joëlle, Alexia va s’impliquer corps et âme dans l’accompagnement de Mila et de son projet : quitter cet endroit à tout prix.
Cet équilibre fragile entre distance et proximité parcourt l’ensemble du récit et du film, jusque dans ces cadrages qui évoluent et accompagnent Alexia tantôt au plus proche de ses épaules, tandis avec un éloignement plus mesuré. Et le spectateur de ressentir cette tension, telle qu’elle pouvait être éprouvée par les cadres de Benoît Dervaux dans Le Fils des frères Dardenne.
Au Bord du monde, c’est aussi cet espace multidimensionnel où naviguent Alexia, Thijs, Mila, chacun d’un côté et de l’autre du voile et pourtant si semblables à la fois. Comment dès lors marquer la limite, comment ne pas trébucher et vaciller au bord de cet abîme tout en gardant son humanité? C’est la nature des questionnements que soulève le film, prenant le temps de mettre en place la relation qui unit Mila et Alexia pour mieux faire grandir ses personnages. Car il n’y a qu’une réponse à apporter, il y en a plusieurs, dans un univers où l’attention et l’empathie sont essentielles pour un accompagnement pertinent et bénéfique aux usagers.
En filigrane, Au bord du monde questionne également notre société et ses travers faits de cases à cocher, de centres de jours surchargés et sous-budgétés, et de procédures abracadabrantesques où l’humain est un paramètre mineur. Au travers du parcours d’Alexia, c’est tout un pan du paysage médical belge que nous révèlent les cinéastes. Sans condescendance, et avec beaucoup de respect pour les personnes représentées, tant – il nous semble d’un point de vue externe – du côté des soignant·es que des patient·es.
Au bord du monde sera projeté en avant-première bruxelloise à La Vénerie, dans le cadre des Rencontres d’Images Mentales, le mardi 11 février à 19h. La projection sera suivie d’une rencontre avec Olivier Renard (Psychologue/Psymages), Sophie Muselle et Guérin van de Vorst (Réalisateur·ices) et Gérald De Schietere (Psychiatre)
Plus d’infos : https://www.psymages.be/