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Citizen Kane

Publié le 01/05/2003 par Jean-Michel Vlaeminckx / Catégorie: Sortie DVD

Comme c'est un monument, on croit qu'à l'instar de la Joconde tout le monde le connaît. Erreur. Votre serviteur ayant eu l'occasion de discuter avec des jeunes gens habitués aux images animées, entendit souvent citer Tomb Raider II, Diablo II, la baguette magique d'Harry Potter, mais du Citizen Kane de Welles, point. Nous avons jugé cela bizarre et même étrange n'est-il pas ? Il y a des films qui transforment votre vie. Citizen Kane fut, pour nous, l'un de ceux-là, comme plus tard l'Avventura d'Antonioni. Comment vous rendre curieux de découvrir le phénomène Kane ? Sûrement pas par une étude savante (il en existe une bibliothèque) qui dissèque à la loupe un film qui fit éclater les règles du récit cinématographique. Donc, nous ne vous dirons pas comme André Bazin que Welles utilise le plan-séquence et la profondeur de champ en utilisant des objectifs de 19mm, nous ne citerons pas les réflexions passionnantes de François Truffaut ni même les propos que Welles a confié à Peter Bogdanovitch dans un livre d'entretiens que vous pourrez toujours lire après-coup. Nous allons vous parler du film. Un conte de fées cruel comme tous les contes de fées .Le DVD vous permettra de (re)découvrir un film dont les nombreuses visions n'épuisent pas. Pour parodier Alain Resnais dans Hiroshima mon amour : j'ai tout vu de Citizen Kane ! Tu n'as rien vu de Citizen Kane !

Citizen Kane

Le Film

 

On ne peu passer sous silence "Rosebud", le dernier mot prononcé par Kane avant de mourir et qui ---comme nous l'a fait remarquer notre ami et collaborateur Philippe Elhem - n'a d'autre témoin que le spectateur assis dans son fauteuil. De même lorsque le traîneau sur lequel est inscrit le mot magique dont tout le monde va essayer pendant le film de découvrir le sens est brûlé c'est sans autre témoin que le spectateur ! La caméra mène l'enquête et la résout ?
Le premier plan nous montre une grille sur laquelle un panneau indique "No Trepassing" (défense d'entrer). La caméra passe, entrant par effraction dans la demeure de Charles Foster Kane, violant le sens de la propriété, l'une des valeurs fondamentales de la société américaine. On y découvre des lèvres qui murmurent : "Rosebud" avant le trépas de l'homme qui les prononcent. Ce prologue amène Thompson, un journaliste a percer le secret de cet homme reclus dans un château baroque à travers six témoignages des proches du défunt. L'investigateur est le fil rouge du film il ne nous en révèle pas l'énigme. C'est la caméra qui le fera à sa place. « Aucun mot ne peut expliquer la vie d'un homme déclare Thompson à la fin de son enquête. La caméra repasse la grille et le plan s'achève sur le panneau indiquant "No Trepassing". Pour le reste nous vous laissons découvrir l'itinéraire d'une vie qui se situe entre le conte de fées et un récit réaliste chronologiquement éclaté (Kane a été inspiré à Welles par la personnalité de William Randolph Hearst, un magnat de la presse existant dans les années quarante et dont la visite du château vous est aujourd'hui encore accessible en Californie (moyennant finances).

 

Le réalisateur

Orson Welles est né le 6 mai 1915 à Kenosha (Wisconsin). Elevé par des parents aisés et bohèmes (père hôtelier, mère pianiste), il perd cette dernière à l'âge de huit ans et, dés lors, suit son père dans ses voyages autour du monde en Asie et en Europe. Quelques années plus tard, celui-ci meurt à son tour le laissant orphelin. Il suit des cours de littérature avec un net penchant - sinon une passion - pour le théâtre. Welles a 23 ans lorsqu'il termine un film dont il a obtenu -chose impensable à Hollywood - le final cut pour la première et quasiment la dernière fois (Stanley Kubrick s'en souviendra lorsqu'il s'exilera en Angleterre). A ce moment-là, le wonderboy du cinéma ne sait pas encore qu'Hollywood ne veut plus de ce réalisateur qui se comporte comme un artiste plutôt que l'employé docile d'une des majors californiennes. Après le sabotage du montage de La Splendeur des Amberson, Welles va voyager entre Europe et Amérique pour y tourner une série de films tant comme acteur (l'inoubliable Harry Lime du Troisième Homme) que comme réalisateur : Monsieur Arkadin, La Dame de Shangaï, La Soif du mal, Le Procès, Othello, Vérités et Mensonges, The Other side of the wind. Dans Monsieur Arkadin Welles raconte cette histoire qui, à n'en pas douter est une métaphore du traitement qu'Hollywood lui fit subir. Un scorpion demande à une grenouille de le transporter sur l'autre rive du fleuve. Celle-ci refuse en lui disant qu'elle ne désire pas être piquée par un scorpion. Le scorpion lui rétorque qu'il n'en a aucun intérêt puisqu'il perdrait la vie avec elle. La grenouille accepte donc. Au milieu du fleuve le scorpion pique la grenouille stupéfaite qui lui en demande la raison. Le scorpion soupire en lui disant : "C'est ma nature, je ne peux pas m'en empêcher !".

 

Bonus

Image par image, un documentaire de 42', les moments-clès du film image par image. Prenons-en un, l'essentiel.
Il était une fois un petit garçon, Charles, avec un traîneau perdu dans un microcosme de neige blanche. Il jette une boule de neige vers la fenêtre de sa maison, laquelle est hors champ. Beau raccord ! De l'extérieur qui est un espace de liberté nous passons à l'intérieur qui est un espace de marchandage. Nous assistons à la transaction que mène Madame Kane (propriétaire d'une mine d'or dans l'ouest) avec le banquier Thatcher pour assurer un avenir à l'enfant. Grâce à la profondeur de champ, tout est net. Le père se situe à gauche du cadre, Madame Kane et le banquier à droite du cadre. Au milieu une fenêtre nous montre le sujet de la transaction : Charles jouant innocemment, à l'extérieur de la maison, dans la neige avec son traîneau. C'est une confrontation entre le nouveau monde financier représentant l'avenir de l'Amérique et le monde dépassé du Far-West condamné par l'évolution du capitalisme. En un plan tout est dit de l'un des thèmes récurrent du film : l'individu face à la violence de l'argent.

L'histoire d'un mythe. En 9' la vie de Welles.

La bande annonce originale sous-titrée (on n'y entend que la voix de Welles présentant les comédiens du film), l'une des bandes les plus originales qu'il nous ait été donné de voir avant que le marketing ne leur donne des allures de clip ou de pub.)

Les affiches du film

Un livret comprenant une biographie et une filmographie de Welles.


Citizen Kane d'Orson Welles, DVD, Editions Montparnasse, édition collector.