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Dans la maison de François Ozon

Publié le 04/03/2013 par Jean-Michel Vlaeminckx / Catégorie: Sortie DVD

Dans la maison

Claude, lycéen, ange sulfureux de 16 ans, manipule un système social dont il se sent exclu. Ce jeune homme, avec l'aide de Germain (Fabrice Luchini), son professeur de français, va essayer de renverser le jeu. 

Dans la maison de François Ozon

Germain déprime : ses étudiants ne s'intéressent pas beaucoup à la littérature qu'il enseigne. Dans la société marchande de la consommation, la durée avant de mettre un livre à la poubelle est rapide. Dès lors, étudier Flaubert comme un élément de leur présent, paraît digne du retour vers une société primitive. Ce n'est pas tendance, en effet. Sauf pour Claude qui, avec l'aide de son prof, décide de raconter la chronique d'une société vouée à l'exploit sportif et la consommation de produits à durée de vie limitée. Par un camarade de classe, il entre dans la maison d'une famille petite bourgeoise et commence à écrire le récit de leur existence d'une banalité écrasante. En somme, notre angelot est à lui seul Bouvard et Pécuchet occupés à écrire le Dictionnaire des idées reçues (Flaubert, Folio/poche). La mère du copain est déprimée, le père entraîne son fils dans les performances sportives. Le paradoxe est saisissant entre la vie normale de Monsieur tout le monde (l'underground, c'est jadis et naguère) et le couple d'intellectuels incarné par Luchini et Kristin Scott Thomas.

Car la femme de Germain (Kristin Scott Thomas, donc) travaille dans une galerie d'art au titre évocateur, le « Labyrinthe du Minotaure ». L'occasion pour Ozon de nous montrer un « art contemporain » particulièrement défaillant, produit de consommation et de mode devenu, lequel attend gentiment de passer dans les poubelles de l'histoire (le déchet semble désormais la seule durée qu'offre le spectre de la haute modernité).

Germain, qui vit avec la littérature, est dans l'expérience de la durée. Il ne peut donc que sourire sur le surplace de la surface et de la mode qui démode très vite ces projets artistiques. Les chroniques écrites par son élève hyper doué sur une époque abrutissante de bêtises ne peuvent que l'intéresser, au point qu'il pourrait en perdre la raison (mais il ne va pas la perdre (beau plan final)), tout en se trouvant davantage dans le chaos de son temps et non pas à l'extérieur. Il perd sa femme et son travail d'enseignant, mais pas notre ange (du bien ou du mal ?)

Belle question que pose François Ozon parmi d'autres, avec un côté proche des films de Claude Chabrol (est-ce la raison pour laquelle l'angelot s'appelle Claude ?) sur la perversité d'une bourgeoisie qui croit que son système va dominer le monde entier. La satire d’Ozon est plus soft que celles de Jonathan Swift, mais s'en inspire.

Signalons que Yolande Moreau joue, avec un bel air égaré, les deux jumelles qui ont lancé cette galerie d'art en essayant de se faire du profit à un moment où les banques font faillites dans les failles budgétaires mais continuent à faire confiance dans le credo de l'utilitarisme. La femme de Germain a beau les appeler des « fucking pétasses », elles la mettent à la porte. On ne sait pas si elles vont délocaliser leur entreprise…

Un petit bonus autour de François Ozon et Kristin Scott Thomas (en anglais non sous-titré)

Dans la maison, François Ozon, édité par Home Screen, diffusé par Twin Pics.