On a beaucoup reproché à Brian De Palma de retourner, plutôt que détourner, des films réalisés par Sir Alfred Hitchcock. Une idée plutôt simpliste puisqu’il ne se sert pas de séquences dans la répétition, mais dans la différence. Un brin socratique De Palma ? Oui, dans la mesure où il ne cesse de faire dialoguer la conviction (le processus de vérité) et la persuasion (la sophistique). Celle-ci étant volatile et emportant le morceau à l'esbroufe, dans le délire et non dans la rationalité. Derrière le verni d'une mise en scène attractive (que certains ont appelée maniériste), on découvre, chez De Palma, une réflexion sur les dogmes actuels du mode de vie américain (religion de l'argent, de la violence et du corps sexualisé par la pornographie).
Deux films de Brian De Palma: Blow Out et Pulsions
De Palma joue, dès le prologue de Blow Out, avec le vrai et le faux. On nous montre des lycéennes très dénudées discutant des fêtes à venir, et comment inviter des mecs à y participer. L'une d'entre elles en a déjà ramené un. Une autre prend une douche lorsque surgit un serial killer, un couteau à la main, qui vient d'assassiner un flic observant la nudité des jeunes filles à travers les fenêtres (chers spectateurs, pourquoi cela vous intéresse, est-ce votre fantasme ?) La fille sous sa douche l'aperçoit et crie d'une voix de fausset au lieu de hurler. Cut. Le preneur de son se marre. Le réalisateur à côté de lui réclame un enregistrement correct pour ce film érotico-porno. Ils mixent devant des écrans le son avec l'image. Ce n'est pas un vrai cri, la voix n'est pas juste, et donc le spectateur va comprendre trop vite que tout est faux. Il faut lui laisser l'illusion du vrai. Jack (John Travolta) se marre. Comment faire pour obtenir une voix qui angoisse le spectateur ? Il va la trouver dans la vie réelle, à la fin du film.
Blow Out va ensuite s'organiser autour de ce preneur de son qui enregistre par hasard le son du meurtre d'un politicien. On retrouve le traumatisme qu'a vécu De Palma dans les années soixante : l'assassinat de John Fitzgerald Kennedy et une guerre du Vietnam dans laquelle il refusait de se laisser embarquer. Ses premiers films étaient des contestations contre la violence paroxystique d'une guerre en Asie et de l'assassinat du président des Etats-Unis (Hi Mom). Si Blow Out s'inscrit dans le contexte de Blow up d'Antonioni (1966) et de Conversations secrètes de Francis Ford Coppola (1974), il explore d'autres sentiers, principalement autour de la raison et de la folie comme un cauchemar permanent.
Le début de Pulsions est aussi fracassant que celui de Blow Out. Une femme quinquagénaire frustrée prend sa douche en caressant son corps nu inondé de gouttes d'eau. En réalité, elle fantasme car son amant lui fait l'amour sans qu'elle ressente quelque chose. Juste après, elle l'avoue à son psychologue qui lui conseille d'en parler à son mec. Mais elle est tuée dans un ascenseur : on vous laisse découvrir qui est le cinglé qui tue des jolies femmes avec un rasoir, un pervers qui se dédouble, un illuminé qui préfère la lame aux rafales des armes de guerre. La séquence du métro est à voir et à revoir pour son tempo dans le mouvement permanent d'une caméra mobile. Comme souvent, chez De Palma, l'angoisse ou la colère se découvre avec des panos rapides (Pulsions) ou des travellings circulaires à 360° (dans Blow Out, la séquence où Jack découvre qu'on lui a volé les bandes-son qui prouvent qu'il s'agit d'un meurtre et non d'un accident).
Ces deux films, à la mise en scène virtuose, ont été très bien remastérisés, nous ramenant ainsi à l'époque du cinéma des années septante.
Parmi les bonus, Jean Douchet, connaisseur de l'œuvre de De Palma, nous offre une analyse de Blow Out assez époustouflante. Il commente quelques séquences et nous rappelle le début et la fin du film en nous signalant que Body double suit le même parcours sur des films fabriqués par l'usine à rêve (Hollywood) qui désormais offrent à la population de faux espoirs.
Pulsions (Dressed To Kill) et Blow Out de Brian De Palma, deux DVD édités par Carlotta et diffusés par Twin Pics.