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Les bêtes du sud sauvage

Publié le 16/05/2013 par Nastasja Caneve / Catégorie: Sortie DVD

Des bêtes, des animaux, des hommes. Ceux du sud sauvage. Ceux de la Louisiane. Ceux du Bayou. Ce sont eux les protagonistes du premier long métrage de Benh Zeitlin. Ce jeune réalisateur, originaire du Queens, a élu domicile dans cette contrée en 2005, après le passage de la déferlante Katrina. Caméra à l’épaule, il avait déjà capté les visages de ces hommes venus d’ailleurs dans son court métrage Glory at sea, en 2008. Sans fioriture. Il réitère l’expérience dans Les bêtes du sud sauvage, un film dont l’authenticité a payé : Caméra d’Or à Cannes, Grand prix de Sundance, Grand Prix de Deauville pour n’en citer que quelques-uns…

dvd les betes du sud sauvageL’histoire, c’est celle de Hushpuppy, une gamine de 6 ans au caractère bien trempé. Les cheveux aux vents, la moue renfrognée et les poings serrés, elle affronte son destin. Orpheline de mère, la petite vit avec son père, malade et alcoolique, qui sombre peu à peu dans un marasme dont elle va tenter de l’extirper. Quête difficile. D’autant plus lorsque l’on vit dans le Bayou, région aux prises avec un désastre climatique qui s’apprête à tout dévaster.

Scénario relativement simple, oui, mais ancrer cette histoire dans cette terre inondée où personne n’ose vraiment s’aventurer, c’était osé. Benh Zeitlin, jeune cinéaste fougueux et curieux, s’y installe, après le passage de Katrina. Armé de sa caméra, il décide de se battre, de filmer, de monter le financement de son film (adapté de la pièce de théâtre de Lucy Alibar, son amie d’enfance) et de rencontrer les autochtones qui deviendront les acteurs de son film.

Choix audacieux, donc. Pas de scénario extraordinaire, pas de star. Petite production indépendante, le film est réalisé dans le cadre d’un collectif artistique, le Court 13, que Zeitlin avait autrefois créé à l’université. La force du film est ailleurs : elle réside dans les images, dans la véracité du jeu d’acteurs, dans l’atmosphère suintante du Sud. Documentaire, drame ou fantastique ? Le film est inclassable.

Avec ses vues documentaires, Benh Zeitlin emmène le spectateur loin, très loin, dans un monde qui semble avoir disparu de la surface du globe. Les images de cette terre en péril reflètent la détresse de cette population sans répit. Les tremblements engendrés par la caméra portée vont dans ce sens : les habitants sont constamment sur le qui-vive. Une vérité renforcée par le casting : des acteurs sont des non-professionnels repérés sur le terrain. Mention spéciale pour Ouvenzhané Wallis, cette fillette sortie de nulle part dont l’expressivité, la fougue et la ténacité contre toute épreuve accentuent encore la véracité du propos.

Ce côté quasi documentaire est contredit par d’autres scènes, plus métaphoriques, et font basculer le film du côté du fantastique. Hushpuppy, narrateur omniscient, voit tout, entend tout et raconte tout. Elle s’échappe parfois dans son monde, celui d’une fillette pleine d’imagination, hantée par des aurochs libérés de la fonte des glaces. Signes annonciateurs de la fin du monde, ces créatures monstrueuses s’approchent à l’instar de la tempête menaçante.

Un drame social, aussi. L’histoire d’un peuple qui tente de survivre. Véritable cri d’insurrection d’une population entière. Des hommes libres, véritables marginaux, qui vivent sans contrainte jusqu’au jour où Mère Nature en décide autrement.

Les bêtes du sud sauvage affiche donc son polymorphisme. Et si certaines scènes caricaturales l’entraînent parfois sur la voie du grotesque, l’ensemble reste criant de vérité. « Qui trop embrasse, mal étreint », comme l’enseigne le proverbe. S’engager sur des voies si différentes est un risque dont Benh Zeitlin se tire malgré quelques exagérations et quelques maladresses, celles d’un débutant qui n’a pas dit son dernier mot.


 

Bonus

À noter que les bonus de la version DVD méritent le détour : des scènes du casting présentant des improvisations de Hushpuppy et de son père, boulanger dans la vie, des scènes supprimées, un making of et le court métrage Glory at Sea, réalisé par Zeitlin en 2008.


Beasts of the Southern Wild, Les bêtes du sud sauvage, Benh Zeitlin (2012), en Blu-ray, DVD et Video on Deman