Entre les murs de Laurent Cantet
Palme d'or à Cannes en 2008, Entre les murs de Laurent Cantet nous présente un monde intra muros dans lequel vingt-quatre élèves et un prof de français se lancent dans l'épopée d'un langage oral et écrit.Venant d'un kaléidoscope de cultures et de niveaux scolaires différents, les élèves de la classe du collège Françoise Dolto, un petit collège ZEP (zone d'éducation prioritaire) passent du classicisme français aux vannes qui fusent de partout.
Le scénario de François Bégaudeau (qui joue François Marin, le professeur, tout en ayant écrit un roman tiré de son expérience d'enseignant), déroule une succession de séquences disjointes, de bribes séparées, qui nous mènent petit à petit vers une construction proche de la tragédie.
Entre les murs joue son cinéma dans le milieu scolaire, dans une classe, afin de montrer le particulier pour saisir le général. Ni documentaire (tout est joué), ni fiction, le film nous dévoile une classe de quatrième année le temps d'une année scolaire. Pour former la classe idéale, les élèves du collège se sont rendu à un atelier d'improvisation tous les mercredis (de 2006à 2007). Des plus cancres aux grandes gueules en passant par les bons élèves, ils improvisent et s'exercent oralement pour les scènes d'argumentation contradictoire avec le prof.
Une classe vivant dans la diversité culturelle face à l'écran d'une culture considérée par l'école comme majoritaire. Ce n'est pas seulement cette contradiction qui anime Cantet et Bégaudeau, mais aussi la volonté de ne pas exclure, tout en faisant respecter certains principes du vivre ensemble au sein du collège (la discipline) avec le souci d'éviter ce désastre que serait l'exclusion et un éventuel refoulement hors des frontières.
Mais la grande richesse du film de Cantet est de jouer sur la bande-son du langage avec le tempo d'un musicien. Si François Morin, le prof, évite de tomber dans le fétichisme de la langue classique, il n'oublie pas que la langue offre une détermination sociale à chacun, que la fierté du sabir ou du verlan, qu'il soit minoritaire ou générationnel, est un risque d'exclusion sociale. Film où la parole est prioritaire, Laurent Cantet, avec sa caméra, suit au plus près, d'une séquence à l'autre, le regard des élèves, leur corps et leurs gestes. Entre les murs nous montre l'importance du vocabulaire de façon magistrale autour du mot « pétasse ». Le professeur fait plus que l'entrechat d'un malentendu autour de ce mot, il trébuche devant ses élèves (« je n'ai pas dit « pétasse », j'ai dit, vous vous conduisez comme des pétasses »), lui, le maître du langage, un domaine qu'il est censé maîtriser et expliquer. De toute façon, le mot devient polysémique : pour les élèves, pétasse = prostituée. Et de là, on file la métaphore vers « enculé ».
Car c'est le moment tragique (l'humain et le pathos) du film, pour un professeur qui ne cesse d'écouter la langue des adolescents de sa classe, d'apprendre leur langue pour mieux leur transmettre son savoir en leur enseignant les codes d'un langage qui leur permettra de vivre en société. Lui qui fait tout pour sauver Soleymane du conseil de classe est pris au piège du mot « pétasse » qu'il a utilisé pour désigner les deux élèves qui représentent sa classe. Un mot qui va devenir un couperet pour Souleymane qui pète les plombs, tombe dans le piège du langage, de la violence verbale et gestuelle. Le conseil de discipline devient inévitable avec ce côté propre à la tragédie, un dispositif, tel un destin qui s'avère infranchissable. Souleymane va-t-il être renvoyé, dans son bled au Mali, par sa famille ?
Entre les murs de Laurent Cantet, DVD édité par Cinéart, diffusé par Twin Pics.
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