Gus Van Sant : Paranoïd Park & Mala Noche
Deux films de Gus Van Sant
1.Paranoïd Park
Après le succès cinéphilique de Gerry, Elephant et Last Days, Gus Van Sant poursuit sa quête du monde des ados. Alex, un skateur, tue un vigile de manière involontaire. Le film quasi muet se construit en voix-off (parmi quelques rares dialogues) sur les paroles d’Alex écrivant son histoire, pour se soulager, dans une lettre à Macy (tout en refusant d’expliquer son geste). Paranoïd Park qui se passe à Portland, la ville de Gus Van Sant, est un film mental. Alex, privé de l’espace parental (de temps à autre on aperçoit une mère) dispose d’un espace mythique, le skate park, lieu favori de la jeunesse underground. La grande richesse du film réside dans cette créativité d’une mise en scène jouant sur l’espace urbain mis en perspective par rapport aux corps. On ne cesse de découvrir les spirales et les mouvements de balancier des skate-boarders dans l’enchevêtrement de scènes tournées alternativement en 35mm et en super 8. Outre sa structure en puzzle et ses nombreux ralentis qui nous envoient dans le monde mystérieux, ambigu et secret d’un Alex silencieux, son skateboard à la main, on découvre la splendeur picturale du film.
Paranoïd Park poursuit avec brio non seulement l’inquiétude des adolescents mais aussi leurs errances et leurs rêves.Le dépucelage d’Alex est une des scènes étonnantes du film (on en a tellement vues, à la limite du grotesque dans les teen movies) puisque tout y est suggéré plutôt que montré. Sitôt la baise terminée, Jennifer, la girlfriend d’Alex, se rue sur son GSM pour annoncer la nouvelle à sa meilleure amie.
Le bonus nous offre une interview de Gus Van Sant nous expliquant avoir tiré d’un roman de Blake Nelson intitulé aussi Paranoïd Park, le scénario du film qu’il a écrit seul et très vite. « Une adaptation assez simple puisque tout se déroulait, chez moi, à Portland. Néanmoins, l’histoire est traitée dans le désordre par rapport au roman d’origine. Celui-ci pouvant se permettre des choses que je ne pouvais réaliser ». Un film qui s’est modifié lors du montage pendant lequel le réalisateur a été confronté à trois versions différentes. « Certaines scènes s’inversaient ou se substituaient à d’autres. C’est ainsi que j’ai procédé sur tous mes films, en jouant avec la structure, en la manipulant sans cesse ».
Autre Bonus : Dans le labyrinthe, une analyse de la filmographie de Gus Van Sant. Douze longs métrages du réalisateur-phare du cinéma indépendant que l’excellent Luc Lagier retrace film après film. Nous rappelant que Van Sant (héritier de la beat génération, Ginsberg, Burroughs) explore la vie des outsiders, des vagabonds, des marginaux sur les chemins de traverse de l’Amérique moderne.
2. Mala Noche (1985)
Le premier long métrage de Gus Van Sant. Une adaptation de Beat Poet de Walt Curtis écrit en 1977, une personnalité de la contre-culture de Portland, ville d’élection de Gus Van Sant.
Walt Curtis : « Il y a vingt-cinq ans, je travaillais dans une épicerie tenant du repaire d’ivrognes (…) Une poignée d’adolescents vibrants et fougueux se hasardaient parfois dans l’épicerie grecque. Leur esprit de jeunesse et leur insensibilité au morne décor de ghetto qui les environnait captivèrent mon cœur. »
Un jeune homme tombe passionnément amoureux d'un jeune immigré mexicain, clandestin de moins de 17 ans. Mala Noche nous conte un amour non partagé (quelque chose que chacun d’entre nous est amené à connaître un jour). Une histoire qui se déroule de façon autonome entre deux protagonistes.
Tourné en 16mm et en noir et blanc, Mala Noche a coûté 20.000dollars. Le low budget va continuer à être la marque de fabrique de Gus Van Sant malgré Good Will Hunting et À la rencontre de Forrester.
Mala Noche ne sera pas distribué aux Etats-Unis, en 1986, sauf dans les circuits gays. Sa Présentation à la Quinzaine des réalisateurs au Festival de Cannes 2006 va changer la donne et permettre au film de conquérir son public.Ceci étant, le tournage de Mala Noche, effectué en économie restreinte, correspond parfaitement au sujet traité par Gus Van Sant qui désirait filmer des personnages vivant dans le dénuement, la marginalité et la solitude.
Paranoïd Park et Mala Nacha, de Gus Van Sant, édition cinéart, diffusion Twin Peaks