Loin de la terre brûlée (The Burning plain) de Guillermo Arriaga
Terre brûlée
Romancier mexicain, Guillermo Arriaga est bien connu des cinéphiles pour ses scénarios de trois films d'Alejandro Iñarritu (Amours chiennes, 21 grammes, Babel) et de Tommy Lee Jones pour Trois enterrements, primé au Festival de Cannes, meilleur scénario original). On s'attendait donc à ce qu'il passe derrière la caméra. C’est chose faite avec Loin de la terre brûlée, un drame intimiste qui se passe, une fois de plus, dans le territoire de la Frontera (la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis), une histoire éclatée via un quotidien structuré comme un puzzle rebondissant de séquences en séquences, relativement brèves. Un récit choral, entre passé et présent sur deux lumineuses figures féminines.
La mère, Gina (Kim Basinger), victime d'un cancer qui l'a privée d'un sein, cherche, grâce à l'amour, à être acceptée dans les bras d'un homme que son handicap rend impuissant. Sa fille, Sylvia (Charlize Theron), nymphomane devenue, multiplie les aventures sexuelles, mais n'hésite pas à quitter le restaurant où elle travaille pour se scarifier. Deux femmes brûlées par la vie.
Le film démarre par l'explosion d'une caravane, en plein désert, dans lequel meurent Gina et son amant, soudés ensemble. Dislocation de la cellule familiale, poids un tantinet cadenassé par la culpabilité, on ne s'en étonne guère puisqu’il s'agit de la thématique habituelle d'Arriaga. Revenons donc sur l'intérêt que procure l'intelligence du film, celui des femmes présentées, en dehors de la cartographie visuelle du monde du spectacle. En Gina, Kim Basinger obtient un véritable rôle (à l'opposé de l'érotisme flamboyant de 9 semaines ½ ou de L.A.Confidential). Charlize Theron est Sylvia, incandescente pour son goût du sacrifice, et Jennifer Lawrence, surprenante adolescente perturbée par une sexualité naissante (Sylvia jeune) est une révélation (elle a obtenu le prix Marcello Mastroianni à la 65è Mostra de Venise).
Loin de la Terre brûlée s'intéresse à deux femmes, à leur mystère, à leur douleur, à leurs secrets, à leurs rêves, à leurs illusions, à leur fluidité, à leurs ralentis. « L'univers féminin, nous confie Arriaga dans le bonus du DVD, m'a toujours intéressé par sa complexité. Je n'oublie pas que tous les 28 jours, les femmes expérimentent la mort d'un être qui aurait pu naître. Entre sang et douleurs, elles le vivent comme un deuil. Sans oublier qu'elles auraient pu abriter cet être vivant dans leurs corps. Leur vie aurait pu être deux êtres dans un seul corps. Toutes les femmes ont une expérience du monde qui me paraît plus complexe et attirante que le monde masculin ».
D'où l'intérêt de Guillermo Arriaga, dans tous ses films, comme scénariste ou réalisateur, pour Eros et Thanatos. On ne peut, en effet, comprendre la vie sans la mort. Et ajoutons à cela, la petite mort, qui n'est pas que le coït masculin, mais surtout la séparation amoureuse.
Le passage de l'écrit à la mise en scène par Arriaga est parfaitement réussi. Pour la composition des cadres, il a demandé au Chef Op’ Robert Elswit (directeur photo de Paul Thomas Anderson pour There Will Be Blood et de Georges Clooney pour Good Night And Good Luck) de le rejoindre. Ils se sont imposés des plans très picturaux, proches du monde peint par Edward Hopper. Une alternance entre l'aridité beige-orange des paysages désertiques de la Frontera et le bleuté, entre chien et loup de Portland, en Oregon.
Loin de la terre brûlée (The Burning plain) de Guillermo Arriaga, édité par Wild Side, distribué par Twin Pics.