Mange ta soupe et Le Stade de Wimbledon de Mathieu Amalric
Rencontre avec Hélène Cases de Why Not Productions
L’un des plus grands comédiens français, Mathieu Amalric, ne sait plus à quel saint se vouer. On se l’arrache d’un film à l’autre alors que son rêve est de réaliser des films. César du meilleur acteur en 2005 pour Rois et Reine d’Arnaud Desplechin, il doit à celui-ci d'avoir débuter une carrière à laquelle il ne songeait guère avec Comment je me suis disputé... (ma vie sexuelle). Réalisateur de courts métrages (Marre de café, Sans rire et Les yeux au plafond), assistant réalisateur d’Alain Tanner (Le journal de Lady M), il réalise deux longs métrages Mange ta soupe (1997) et Le Stade de Wimbledon (2001). Why Not Productions, en partenariat avec Les Cahiers du Cinéma, édite ces deux films en DVD (voir l’entretien avec Hélène Cases de Why Not Productions par Katia Bayer). Il s’agit de deux bijoux d’un cinéaste contrarié par sa vie d’acteur et fasciné par les films d’Ernst Lubitsch et de Milos Forman (période tchèque). Mange ta soupe est au départ un court métrage devenu, grâce à Pierre Chevalier (responsable, à l’époque, de la fiction chez Arte), le premier long métrage de Mathieu Amalric. Développé au niveau de l’écriture, le film a bénéficié de la participation de Pascale Ferran et Jeanne Balibar.
Mange ta soupe est l'histoire d’un fils débarquant à Paris chez sa mère, critique littéraire, et se retrouvant confronté aux piles de livres entassés sous et sur les étagères familiales. Pour éviter d’être englouti dans ce gigantesque capharnaüm, il refoule les nouveaux colis littéraires dans la rue, et essaie de donner les anciens aux bibliothèques qui les refusent. Le fils de ce roman familial est interprété par Jean-Yves Dubois qui semble s’être inspiré du jeu d’acteur de Mathieu Amalric. Sauf que c’est l’inverse précise Mathieu Amalric : « sa façon d’être à la corde m’a influencé ».
Le Stade de Wimbledon, son film le plus énigmatique, le plus erratique et le plus prometteur, a été réalisé d’après le roman éponyme de Daniele Del Guidice. Pour vérifier son désir d’écriture, une jeune femme (Jeanne Balibar) se lance à Trieste – de façon paradoxale – sur les traces d’un écrivain qui n’a jamais écrit de livres. Cet éditeur de Joyce, Kafka et d’autres écrivains célèbres a passé sa vie à parler de son livre (en écriture ou fantasmé ?), resté une énigme pour tous les écrivains qu’il publiait.
D’ellipses en ellipses, la jeune fille se retrouve sur un court de tennis vide (un clin d’œil à Antonioni ?). Ce film sur la perte est aussi un chant d'amour, un évident désir de filmer sa compagne, d’immortaliser une Jeanne Balibar à la grâce miraculeuse.
Mange ta soupe (1997), Le Stade de Wimbledon (2202), deux films de Mathieu Amalric, Why Not Productions et Les Cahiers du Cinéma. Distribution Twin Pics.