Nous avons écrit tout le bien que nous pensions de Niños, et de Los Caminos de la memoria. Voyons les bonus que le réalisateur José-Luis Peñafuerte offre aux lecteurs du coffret en DVD.
Memoria + Niños de José-Luis Peñafuerte
On démarre avec un superbe entretien de 16 minutes entre José-Luis Peñafuerte et Jorge Semprun. Les deux mémoires est un film tourné clandestinement en Espagne, en 1972, trois ans avant la mort du général Franco. Il explore la mémoire des nationalistes et des républicains. Le récit, nous explique Semprun, oscille entre critique et autocritique, car Franco est toujours vivant et les anciens franquistes ne sont plus des proches du pouvoir en place. Filmée sans autorisation, c'est donc, signale avec humour Semprun, une mémoire et demie plutôt que deux mémoires. Il n'en reste pas moins que ce film lance l'Espagne dans une reconquête de la conscience historique de son passé. La seule copie qui existe encore se trouve à Paris, la filmothèque espagnole ayant mystérieusement égarée la sienne après l'imbroglio de la production. Celle-ci qui démarre avec une filiale de la Paramount se retrouve sans producteurs au milieu du gué, au point d'obliger le réalisateur à en créer une afin de pouvoir terminer le film. Celui-ci va à l'encontre des légendes sur la guerre civile et ne rencontre aucun succès. Il s'agissait, explique Semprun, « de ne pas restituer le discours de propagande franquiste et communiste, mais d'écouter les autres pour récupérer des vérités à partir d'expériences personnelles.Tu étais phalangiste et puis tu as changé, pourquoi ? Mon point de vue était d'écouter ce qu'on me raconte comme un psychanalyste. C'est au spectateur d'interpréter ce qu'ils disent ».
D'autres éléments plus comiques, dignes d'un roman picaresque, nous signalent la censure à son égard. Semprun l'a découvert lorsqu'il était ministre de la culture, en 1988, à Madrid. Sur le travail de Jorge Semprun, dont ce petit bonus est un bel hommage, Régis Debray a écrit ceci peu après la mort, le 7 juin 2011, de l'écrivain-cinéaste : « La polyphonie des réminiscences, le contrepoint des coïncidences, la fugue grise et bleue et toujours recommencée de la mémoire involontaire » (in Le Monde).
On continue les bonus, avec toute une série de scènes coupées de Los Caminos de la memoria qui prolongent ce superbe film. L'une d'entre elles se passe dans des archives qui comportent des millions de fiches. Les premières datent de 1937, après la chute de Bilbao. Les franquistes créent ce qu'ils appellent la contre-propagande, destinée à nous en offrir une autre, la leur. Tout cela en surveillant les gens d'après leurs antécédents politiques. Quiconque cherchait du travail était exclu de tous les services publics s'il avait été républicain non repenti ou non désireux de faire partie de la croisade phalangiste.
Sur Niños, on apprend que si 30.000 Espagnols ont eu leur identité volée depuis leur enfance, pas mal d'entre eux ont été en dehors de l'exil, confiés à des familles proches du régime franquiste. Et puis, il n'y avait pas que d'ahurissants psychanalystes nazis à l'inconscient particulièrement délirant, mais un psychiatre espagnol particulièrement déluré dans la phobie des militants communistes. Antonio Vallejo Najera a élaboré une théorie du gène marxiste et fait des expériences dans une prison pour femme de Malaga. Il en a tiré des documents expliquant pourquoi les enfants doivent être séparés de leur mère.
Enfin, il y a le bonus réalisé par Cinergie.be. Un entretien avec le réalisateur José-Luis Peñafuerte au CEGES (le centre d'étude sur la seconde guerre mondiale).
Los Caminos de la Memoria + Niños de José-Luis Peñafuerte, un coffret de deux films en DVD édité par Big Bang distribution et diffusé par Mélimédias. Meilleur documentaire des Magritte du Cinéma.