My Blueberry Nights, de Wong Kar-wai
My Blueberry Nights
Après In The mood for love et 2046, Wong Kar-wai renoue avec ses films précédents, comme Chungking express et Happy Together. My Blueberry Nights est une belle romance fruitée aux tartes à la myrtille entre Elizabeth (Norah Jones) et Jeremy (Jude Law). Démarrée sur un baiser volé, cette romance se poursuit du Nord-Est au Sud-Est, retour au Nord-Est, de New York à Las Vegas en passant par le Tennessee et le Montana
Prince de la mélancolie, WKW emmène la jeune Elizabeth, qui vient de quitter son ex petit ami, à parcourir l’Amérique en trois cent jours, travaillant comme serveuse dans les bars comme le fait Jeremy dans ce café-bar de New York dans lequel elle finira par revenir, en fin de parcours. « Elle essaie en permanence d’être quelqu’un d’autre…elle tente de se transporter ailleurs, d’assumer d’autres identités, elle est comme nous tous ; on rêve d’être quelqu’un d’autre, et on se trouve toujours face à soi-même ». (WKW)
Thématiques récurrentes de la Wong’s Touch
WKW aime exposer les chiffres des trajets parcourus par ses personnages. L’aller-retour en trois cents jours d’Elizabeth, l’héroïne de My Blueberry Nights, est indiqué par des cartons. Dans Chungking Express, le policier 233 affirme : « Dans 6 heures, elle en aimera un autre », parlant de la nouvelle serveuse du fast-food (Faye Wong) et du matricule 663 (Tony Leung).
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Solitude et difficulté à communiquer. Les personnages de WKW sont séparés dans My Blueberry Nights mais pensent, sans cesse, l’un à l’autre. L’appartement studio du matricule 663 est occupé par Faye Wong pendant ses absences dans Chungking Express. La grande obsession de Wong Kar-wai est le temps qui passe (temps cérébral et affectif) et les indélébiles souvenirs qui en restituent des parcelles. Souvenir d’un amour ancien. Les Cendres du temps (film exceptionnel et peu connu en Europe) est construit sur la présence fantasmatique de Maggie Cheung chez Tony Leung (on retrouve le même thème dans 2046). Mais il y a surtout le temps passé et les souvenirs des années '60, celles pendant lesquelles Wong Kar-wai découvre un Hong Kong dont il a immortalisé le passé dès son second film, Nos années sauvages. Ce territoire de son enfance que la rétrocession à la Chine pop' risque de faire disparaître dans l’oubli face au continent des fils de Mao (si Hong Kong est devenu aussi mythique que Paris, Londres ou San Francisco n’est-ce pas dû à son cinéma époustouflant ?).
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Avec My Blueberry Nights nous découvrons une tarte aux myrtilles que, dès le générique, le réalisateur nous a montré en très gros plan (avec une crème blanche digne de Noël Godin). « L’idée de ces images, c’est l’action de fondre » (WKW). Dans Chungking Express, les boîtes d’ananas et les « chef's salads » du policier 663, les nouilles persistantes de Mme Chan dans In the mood for love.
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Sur le choix de Norah Jones, « découvrir derrière l’image de la chanteuse, une personnalité moins apparente qui m’intéresse. En la rencontrant, j’ai été sûr qu’elle pourrait jouer. Elle a quelque chose de spontané et possède une vraie confiance en elle. Et je ne pouvais imaginer que cette fille, si elle a des problèmes, les garde pour elle et ne s’en plaigne pas aux autres ». Mais chez WKW, la chanson relie les personnages entre eux. Le choix de Norah Jones, dont c’est le premier rôle à l’écran, recoupe l’utilisation permanente par WKW des pops stars d’Hong Kong ; Faye Wong, Rebecca Pan, Leslie Cheung, Andy Lau, Tony Leung, Takeshi Kaneshiro. On se souvient tous, dans Chungking Express, de California dreamin' des Mamas and Papas sans cesse écouté par Faye Wong, la serveuse du fast-food (en jouant des hanches) que fréquente le matricule 663. Mais aussi de I’ve been in you de Frank Zappa dans Happy Together. Dans My Blueberry Nights, la bande son nous offre Yumeji's Theme, en version guitare et harmonica plutôt qu’au violoncelle et au violon dans In the Mood for Love (clin d’œil de l’homme au Ray-Ban).
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Sur la diversité chromatique de My Blueberry Nights, de lumières passant du sombre au brillant, il ne nous semble guère que Darius Khondji, le chef opérateur du film, possède la légèreté, la créativité, le feeling de Christopher Doyle le chef opérateur fétiche de la Wong’s gestalt.
Bonus du Wongdigitalversatiledisc
Trop sommaire. Petit propos de Wong Kar-wai : « Un bon film c’est comme un bon repas. Il y a quelque chose qui reste, un arrière-goût. Et on ne peut décrire cet arrière-goût, c’est abstrait. Mais tout le monde connaît cela, après un bon repas. On conserve certaines saveurs en bouche. Et c’était mon objectif pour ce film. »
My Blueberry Nights de Wong Kar-wai, édité par Cinéart et diffusé par Twin Pics