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Nelly et Nadine de Magnus Gertten

Publié le 04/10/2022 par Fred Arends / Catégorie: Critique

Un amour dévoilé

Ce documentaire magnifique propose une remontée du temps et de l'Histoire en s'attachant à retrouver et à redécouvrir l'histoire incroyable de deux femmes, Nadine Hwang et Nelly Mousset-Vos, dont l'amour et l'attachement a longtemps été secret. Grâce à la découverte d'archives exceptionnelles, le film met à jour cette passion et nous plonge au cœur des destins incroyables.

Nelly et Nadine de Magnus Gertten

Une photo en noir et blanc, mouvante, on s'approche des visages. 28 avril 1945. La voix-off nous raconte le nom et l'histoire de ces femmes. Rescapées des camps de concentration nazis, elles arrivent dans des centres d'accueil. Ici à Malmö en Suède. Cette photo, bouleversante, résume toute la dynamique du film de Magnus Gertten : renommer les choses et les gens, raconter les histoires invisibles, et dire ce qui a été enfoui ou oublié. Raconter ces deux femmes hors du commun, c'est aussi révéler une époque, une traversée du temps. Le montage établit trois couches de narration qui vont permettre de défaire les fils de cette relation et de faire revivre, le temps d'un instant, ces deux protagonistes.

Le premier récit est celui de la petite-fille de Nelly par qui l'enquête démarre et que l'on suit dans ses recherches et découvertes, c'est le temps d'aujourd'hui. C'est là que le film manque parfois de rythme ou du moins démarre difficilement jusqu'à la découverte d'une malle aux souvenirs où les archives vont se déployer en tant que deuxième strate de la narration.

Enfin, la voix-off principale est une plongée dans le journal intime de Nelly, terrible, âpre, déchirant qui dit la dureté de la guerre et des privations. Le montage des archives nous plonge dans des photographies, des lettres, des home-movies en super 8 et témoigne de la vie de ces femmes sur une très longue période, de leur rencontre dans le camps de Ravensbrück, à leurs retrouvailles à Bruxelles après la guerre jusqu'à leur installation au Vénézuela et à la vie commune qu'elles y menèrent.

Au fil des archives exhumées, d'autres histoires passionnantes émergent, de nouvelles généalogies s'expriment, de nouveaux liens se dessinent, de nouvelles questions se posent. On y croise une femme lesbienne impliquée dans la visibilité d'artistes femmes ou des hommes homosexuels contraints d'avoir une double vie. Nelly ne parlait jamais de son histoire à sa petite-fille et ce silence est désormais levé. Magnus Gertten y parvient tout en nuances et simplicité, comme ce travelling le long des fleurs mortes pour dire les cadavres dans les wagons à bestiaux. L'une des réussites du film est de mêler habilement ces destins intimes à l'Histoire, de raconter les horreurs de la guerre à travers ce journal intime mais aussi de montrer l'espoir que chacune de ces femmes entretenaient.

Captivante de bout en bout, cette enquête se révèle à la fois travail de mémoire et déclaration d'amour enfin dite et entendue; il s'agit aussi d'une histoire d'émancipation, et d'une relation amoureuse qui a résisté à l'horreur des camps.

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