L’histoire et les civilisations du passé nous sont parvenues jusqu’à aujourd’hui à travers les tombes et mausolées des défunts des peuples anciens. Aux côtés des temples de prière, les humains ont construit des réceptacles pour accueillir leurs morts, pour les honorer et se souvenir du passage plus ou moins éphémère de chacun sur terre.
Ceux qui veillent de Karima Saïdi

Chaque communauté a sa manière de prendre soin de ses disparus. Les cimetières d’une région se ressemblent, avec des exceptions de lieux abritant les dépouilles de célébrités, visités par tout un chacun, comme lieux touristiques ou de promenade. Ces lieux de mort témoignent de l’organisation sociale de la vie, où des caveaux familiaux pouvant accueillir de nombreux membres côtoient de simples tombes, plus ou moins décorées.
A l’image de Bruxelles et de sa population venue du monde entier, carrefour de plus de 180 nationalités, le cimetière multiconfessionnel de Bruxelles, situé aux confins de la commune d’Evere, porte en son sein des défunts des diverses minorités des religions monothéistes. Les premiers morts des communautés immigrées étaient pour la plupart rapatriés au pays pour y être inhumés. Mais les enfants et petits-enfants, étant établis depuis de longues années en Belgique, ne songent plus à rapatrier les corps et préfèrent les garder près d’eux pour continuer à veiller sur eux. La partie multiconfessionnelle du cimetière de Bruxelles est occupée par plus de 90% de musulmans à qui on a autorisé l’inhumation selon les rites de la religion ; corps placés en direction de la Mecque, ensevelis dans un simple linceul et non dans un cercueil. Aux côtés des parcelles musulmanes se trouvent les orthodoxes : Grecs, Syriens, Russes, Bulgares, etc., les parcelles juives et quelques catholiques. Comme le précise le directeur du cimetière, les chrétiens sont là, non pas pour une raison rituelle, mais pour que la communauté puisse se rassembler.
Karima Saïdi y a enterré sa maman, dont on découvrait le vécu dans son précédent film : Dans la maison. C’est avec ses visites sur la tombe de sa mère qu’elle découvre l’effervescence qui règne dans ce lieu qu’on pourrait imaginer désert. Non seulement les enterrements se succèdent, mais les visites des vivants aussi, venant se recueillir, nettoyer les tombes, réciter des poèmes ou partager de la musique. Les anniversaires, les fêtes rituelles ou simplement le désir de se remémorer, de faire la paix avec son passé, sont l’occasion de prendre un tabouret ou une chaise de jardin et de s’asseoir autour des siens, de nettoyer la tombe et parfois celle des voisins, d’apporter de l’eau, des dates ou des douceurs qu’on se partage et qu’on offre aux autres visiteurs, peu importe leur religion ou origine. Ici, tous sont là pour une même raison.
Chaque tombe a son récit, avec ou sans stèle, la forme de celle-ci, ici un cœur, là le portrait de pied d’une jeune femme. Certaines parcelles sont souvent illuminées, des noms, des dates, des petites tombes ornées de moulins à vent et de jouets. Les vivants racontent leurs morts, leurs vies, leurs souvenirs, des communautés s’y rassemblent pour fêter l’Aïd ou Pâques. Un sentiment de paix et de sérénité se dégage du lieu et du film, où partage et bienveillance sont là pour accompagner les inconsolables dans leur deuil.
Ceux qui veillent est un livre de prières pour tous les endeuillés, peu importe leur langue ou leur religion. Nous sommes tous égaux face à la fin de vie de nos proches, certains plus affligés que d’autres.









