Née le 10 mai 1968, Christel Milhavet, après avoir réalisé, à 27 ans, Le Banquet, s'est investie jusqu'à ses quarante ans dans les passionnants méandres du processus cinématographique avec pleins de projets comme productrice inaboutie financièrement, tout en restant active comme assistante réalisatrice.
Quarante de Christel Milhavet et Jérôme Denis
Christel Milhavet et Jérôme Denis (co-réalisateur de Quarante) se décident de tracer, frontalement, les traces de la vie de Christel (avec une DV-Cam, sans autorisation, à la Chinoise). Quarante est un film entre vrai et faux, réalité et fantasme, oscillant sans cesse de l'un à l'autre plus encore que dans le binôme documentaire et fiction. Ce portrait de Christel, mode d'emploi riche en vies diverses à la façon d'une poupée russe, est structuré avec une mise en abyme via cinq jeunes comédiennes s'exprimant façon documentaire télé. Paradoxalement, celles-ci renforcent le doute du personnage qu'elles jouent par rapport à Christel, seule face caméra, qui, avec une présence étonnante n'hésite pas à utiliser la parole à partir d'un texte écrit. Avec son côté pulsionnel permanent, elle crève l'écran (son œil toujours vif observe le regard de l'autre, mais surtout l'œil de la caméra).
Ajoutons-y, en contre-emploi, Fabienne Babe, actrice amie qui nous parle de Christel et du jeu du comédien, mais surtout Fabrice Revault, seul homme (avec deux jeunes japonais pour le casting d'un film en projet appelé Camille) à intervenir. Il nous dit en s'adressant à Christel : « Retenons l'instant merveilleux de la rencontre ».
Christel, s'intéressant au pouvoir de la séduction féminine (l'inverse du pouvoir masculin) et au désir de satisfaire les hommes, ajoute, mine de rien, « Qu'est-ce qui fait jouir les femmes ? ». En effet, cela intrigue plus d'un homme. On est au cœur du vrai et du faux, de la réalité et du fantasme (c'est aussi le sujet des Anges exterminateurs de Jean-Claude Brisseau, sauf que dans Quarante la parole est plus importante que l'image du corps des femmes). Fabrice Revault, toujours aussi drôle et malicieux, a une idée amusante, en lisant les textes qu'il a écrits dans son bistrot favori (se moque t-il des intellectuels des cafés de Saint-Germain-des-Prés ?) : « Il faut faire rire les femmes plus que les faire jouir, comme si, d'emblée, elles savaient que les hommes sont des pitres ».
Christel Milhavet est montée de la province à Paris à 16 ans. À 17 ans, elle devient la mascotte du Flore, le café de Sartre et sa cour, mais aussi celui du cinéaste Jean Eustache et bien d'autres personnages de la tribu intellectuelle parisienne. Christel nous parle de son goût pour la séduction, qu'elle considère comme un plaisir de la vie, car séduire, c'est rester vivant. « J'en profite mais ne suis pas la seule, celui qui me désire aussi ». Les jeux infinis de l'amour et du hasard.
Est-ce la raison pour laquelle elle nous emmène dans la présentation d'un projet de long métrage de fiction, Camille, qu'elle voudrait tourner au Japon, récit d'une escort-girl au pays des sushi ?
Dernier fantasme ou réalité ?
Bonus
Le Banquet
Ce court métrage tourné au bois de Boulogne (le jour) présenté par sa réalisatrice, vous permettra de découvrir Alex Descas, Boris Lehman en Socrate plus vrai que vrai, et Noël Godin en Agathon plutôt anti-platonicien. L'un danse, tel Dionysos, l'autre réfléchit, tel Apollon. Court et drôle, le film est produit par Haut et Court. Jacques Loiseleux est à la caméra (Pialat) avec quelques autres figures du cinéma français.
Quarante, réalisation de Christel Milhavet et Jérôme Denis, DVD édité par Le Chat qui fume.
En vente au Bozar, Darakan et Mélopée