Lancée en 2007 au Festival de Cannes par Martin Scorsese, la World Cinéma Fondation, association sans but lucratif, entend préserver les films du monde entier. Cinq ans plus tard, la première fournée de 4 films restaurés par la WCF offre aux spectateurs quatre chefs-d'oeuvre négligés qui naviguent dans les sentiers disparates de l'autoroute du cinéma mondial. Des films issus de l'artisanat plus que du commerce, fragiles, et souvent surprenants. Fabuleux pour les curieux, c'est-à-dire les cinéphiles qui fuient, toutes voiles dehors, le top 10 du commerce que n'arrêtent pas de nous refiler les enragés de l'utilitarisme à tout prix.
World Cinéma Foundation
Après ses voyages à travers le cinéma américain et italien, Martin Scorsese navigue désormais entre des documentaires et de la fiction, en essayant de sauver des films du monde, au bord du gouffre de la disparition. Ces introuvables deviennent, grâce à l'oeil attentif et à l'oreille musicale du réalisateur de Raging Bull, des pellicules sauvées du néant que nous pouvons désormais découvrir. Quelques continents, donc, en Amérique du sud : Les révoltés d'Alvarado qui date de 1936 et a été réalisé par Fred Zinneman et Emilio Gomez Muriel. Le film a bénéficié, comme caméraman, de Paul Strand (1) ; en Asie, La flûte de roseau d'Ermek Shinarbaev (Kazah) ; en Afrique (le Sénégal), Le voyage de la hyène de Djibril Diop et au Maroc, Transes d’Ahmed El Maânouni, un film sur le groupe Nass El Ghiwane, composé de musiciens marocains, remplissant des salles de concerts bondées de foules en transes. La musique du groupe a une manière sonore incantatoire et mystique, un rythme effréné. Scorsese : « En 1981, je travaillais de nuit sur le montage de La Valse des pantins. La télévision était tout le temps allumée. Un soir, vers deux ou trois heures du matin, commence un film intitulé Transes (…) Ce mélange de poésie, de musique et de théâtre permet de revenir à l'origine de ce qu'est la culture marocaine. Les musiciens chantent leur pays, leur peuple, leurs souffrances. Ce film, depuis ces années-là, est devenu une obsession pour moi ».
Ce qui est passionnant dans ce coffret est aussi qu'il nous offre un supplément sur le travail de restauration. Pour Transes, elle a été orchestrée, en 2007, par le laboratoire L'Immagine Ritrovata de Bologne, ensuite rediffusé au Festival de Cannes et enfin à celui de Marrakech en présence de Scorsese.
Donc, en bonus, vingt et une minutes avec Ahmed El Maânouni (réalisateur et scénariste du film), Izza Génini (productrice) et Omar Sayed (membre du groupe Nass El Ghiwane) qui nous parlent de la conception du film.Une production en zigzag très free Jazz, comme les variations d'un thème de John Coltrane (Aïcha ou Ole), et aussi réalisée au jour le jour.
Le réalisateur a voulu faire davantage qu'une captation sonore illustrée de divers concerts (à Paris, Tunis, Casablanca), et nous montre le quartier périphérique de la ville où sont nés les musiciens. L'un d'entre eux, nous conte aussi quelques fables dont celle d'Aïcha, très inspirée.
« La photographie est le symbole d'un grand combat sans ennemi », disait Paul Strand, l'un des plus grands photographes du vingtième siècle. En 1933, Strand a réalisé des instantanés en noir et blanc, au Mexique (in Strand, Les Maîtres de la photographie, éditions Nathan Image).
Coffret World Cinéma Fondation (vol,1), 4 DVD édités par Carlotta et diffusés par Twin Pics.