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Cette musique ne joue pour personne de Samuel Benchetrit

Publié le 27/09/2021 par Anne Feuillère / Catégorie: Critique

Coeur grenadine

Programmé en avant-première lors du BRIFF, le dernier long-métrage du réalisateur français Samuel Benchetrit faisait battre l’affiche grâce à un casting hallucinant avec, en tête, un quintet de luxe composé de François Damiens, Gustave Kervern, Ramzy Bedia, Joey Starr et Bouli Lanners. À leurs côtés, quelques amoureuses craquantes dont Vanessa Paradis et Valéria Bruni-Tedeschi. Et pour compléter le tout, un Bruno Podalydès en metteur en scène sadique et un Vincent Macaigne, comme toujours drôlement paumé. De quoi saliver donc. Abonné aux comédies foutraques et doucement folles dingues, Benchetrit, avec cette bande de comiques burlesques, nous promettait un petit bijou de cinéma déjanté. Alors bon, certes, on ne perdra pas complètement la tête devant l’écran, mais Cette musique ne joue pour personne s’avère bel et bien un grand feu d’artifices de comédiens plus savoureux les uns que les autres. Et surtout une jolie comédie burlesque, tendre, et doucement nostalgique.

Cette musique ne joue pour personne de Samuel Benchetrit

Il y a Jeff-Damiens qui s’essaie à écrire des poèmes. Il y a Neptune-Ramzi qui les convoie en douce. Il y a le duo improbable Poussin-Lanners et Jésus-NTM qui tentent de convaincre de jeunes adolescents de venir ou de ne pas venir à une certaine boum (« Non, on ne dit plus boum, gros, on dit fête ! ». Mais Gros-Lanners n’arrive pas à se le mettre dans le crâne …). Et puis il y a Jacky-Kerven qui s’éprend de Suzanne-Paradis qui, elle, se rêve en Simone de Beauvoir dans une pièce de théâtre où, pour la séduire, il va devenir Sartre (autre running gag du film…). Ils errent ici et là, tous à leurs petites affaires, seuls, à deux, ils se croisent, s’en vont, se retrouvent. Ils forment une bande improbable de petits malfrats, chapeautée par Jeff, qui évolue, façon Reservoir Dogs has been et modestes, sur le port de Dunkerque, où ils dealent toutes sortes de marchandises tombées des camions.

Samuel Benchetrit réalise des comédies douces, amères, et parfois grinçantes, sur des genres cinématographiques dont il s’amuse à dévoyer les codes. Janis et John flirtait avec la comédie sentimentale, J’ai toujours rêvé d’être un gangster avec le polar, Chien le film noir… Ici, c’est donc les références et les codes du film de gangsters qu’il s’amuse à décaler. Dans Cette musique, mise à part quelques scènes costaudes de violences éruptives et souvent cocasses parce que totalement inattendues, la plupart de ces balèzes détruisent tous les clichés du genre. Engoncés dans leurs maladresses, ils zonent loin de leur business sulfureux, un peu paumés dans de grands plans d’ensemble où flottent leur carcasse. Un peu à côté de leurs pompes, pas vraiment plein de tunes, tous se racontent des histoires comme le film lui-même qui s’amuse à les multiplier en poupées-gigognes. Baigné des bleu-gris de la Mer du Nord, dans un univers un peu obsolète, le film avance par tableaux qui se déploient en plan fixe, jouant sur les ruptures, les ellipses, les champs-contrechamps laconiques et absurdes. Une certaine lenteur dans le rythme et la douceur de certaines situations créent, peu à peu, une atmosphère de plus en plus nostalgique, tissée dans la tendresse de ces hommes entre eux, et de leur cœur maladroit. C’est là que Cette musique trouve ses moments de grâce...

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