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Charles Dekeukeleire en court comme en long sur Avila

Publié le 20/04/2023 par Kevin Giraud / Catégorie: Brève

Entre cinéma surréaliste et expérimental, la figure de Charles Dekeukeleire est aux origines du septième art de notre plat pays. Peut-être moins connus que l'œuvre d’un Henri Storck ou que celle d’un Joris Ivens de chez nos voisins du Nord, les films de Charles Dekeukeleire sont pourtant d’une modernité impressionnante. Avila propose d’en redécouvrir plusieurs autant courts que longs sur leur plateforme.

Charles Dekeukeleire en court comme en long sur Avila

C’est grâce au travail de restauration des équipes de la CINEMATEK que le travail de Charles Dekeukeleire est aujourd’hui visible. Les trois courts métrages mis en avant, Combat de boxe (1927), Impatience (1928) et Flamme blanche (1930) sont accompagnés de deux longs métrages, Histoire de détective (1929) et Le Mauvais oeil (1937). Cinq films pour vous plonger dans une cinématographie d’un autre temps, atypique, mais ô combien intrigante.

Car dès les premiers instants du Combat de boxe, on sent la spécificité du cinéma de Charles Dekeukeleire. Un je-ne-sais-quoi d’immédiateté, de frénésie, de vivacité de l’image qui nous fait ressentir toute l’intensité du duel qui se joue devant nos yeux. La qualité des noirs et blancs restaurés donne une puissance au film qui se passe de musique, tant la maîtrise de l’image est présente et le crescendo narratif presque audible. Quand le poing de la victoire s’élève, c’est un déferlement de symboles et d’images qui nous englobe, à l’aide d’un montage tout droit sorti de l’esprit dialectique des cinéastes russes de la même époque. À quelques encablures à peine de l'abstraction. Du pain et des jeux semble nous dire Dekeukeleire, et du cinéma et de l’art pour le retranscrire à la postérité.

Dans Impatience, ce parti-pris de l’abstraction est encore plus présent, avec un postulat bien plus simple. Une femme, une moto, des montagnes et des formes abstraites se partagent l’espace de l’écran le temps d’une plongée dans la vitesse et dans le mouvement. Si le jeu sur la durée est captivant dans un visionnage sourd du film, il en devient envoûtant et hypnotique lorsqu’on superpose une piste musicale aux accents électroniques ou techno. Le mélange est hautement pertinent, la fascination pour les machines se retrouvant autant dans le cinéma de Charles Dekeukeleire que dans les beats sombres et lancinants des artistes contemporains de Belgique et d’ailleurs.

Des images abstraites, des mouvements de caméra surprenants et des choix esthétiques forts, voilà ce qui compose l'œuvre du cinéaste belge autant chercheur que friand d’expériences. Et cela se retrouve également dans ses fictions, où sous le couvert d’une situation initiale simple viennent s’inviter des images qui rappellent Vertov, Eisenstein ou Ruttman. Pour les connaisseurs, on ne peut que recommander cette plongée dans un cinéma presque centenaire. Pour les néophytes, ce sera une belle découverte teintée de folie, celle d’un septième art encore jeune, mais dopé par une inventivité sans limites.

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